mardi 20 mai 2008

L’écologie est devenue un domaine industriel profitable.

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Allemagne: les nouvelles énergies bénéficient du pragmatisme politique
L’écologie est devenue un domaine industriel profitable.
Elle bénéficie à ce titre de l’appui du monde politique – toute couleur confondue – et de la structure fédérale du pays, qui permet aux Länder d’ajouter leurs propres programmes à ceux du gouvernement. Exemple de mise en pratique dans les deux Länder conservateurs du sud de l’Allemagne, la Bavière et le Bade-Wurtemberg.

« Au Bade-Wurtemberg, non seulement nous sommes les leaders dans la technologie automobile, mais également dans le domaine de la technologie environnementale. On a compris qu’il s’agit d’un domaine industriel où l’on peut gagner de l’argent. C’est pourquoi cette technologie trouve de plus en plus d’acceptation parmi les conservateurs, » se félicite Tanja Gönner, Ministre de l’environnement du Land de Bade-Wurtemberg, dans une interview à Greenpeace Magazine. La jeune ministre est à l’origine d’une législation régionale bien plus ambitieuse que celle promulguée par le gouvernement fédéral. Elle prévoit en effet que pour chaque nouveau bâtiment construit, 20% des besoins en chauffage doivent être couverts par les nouvelles énergies. A partir de 2010, ce sont 10% pour les anciens bâtiments. Par ailleurs, la CDU du Land a développé, pour des raisons climatiques, un projet consistant à augmenter les prix des billets d’avion.

A Munich, la capitale de la très conservatrice Bavière, le ton reste volontiers tout aussi pragmatique : « Le gouvernement du Land entend poursuivre une politique de protection du climat de manière rationnelle, c’est-à-dire qui s’appuie sur des mesures d’incitations économiques. Il s’agit d’encourager les entreprises bavaroises actives dans la technologie environnementale à plus d’investissement afin de permettre croissance et création d’emplois, » souligne-t-on au Ministère bavarois de l’environnement. Et d’ajouter plus prosaïquement : « L’assainissement énergétique des bâtiments offre de nouveaux contrats pour les PME locales. »

Impact climatique

La part des énergies renouvelable dans le parc énergétique du Land de Bade-Wurtemberg est passé en trois ans de 8% à 12%, contre une moyenne nationale située à plus de 14%. En Bavière, les nouvelles énergies couvrent actuellement 8% de la production totale du Land. Le gouvernement régional entend voir leur part doubler d’ici 2020 et a injecté 28 millions d’euros spécialement destinés au développement de la biomasse, de l’énergie hydraulique et de la géothermie. « Avec un surface qui couvre plus de 80% du Land, l’industrie forestière et l’agriculture figurent parmi les activités les plus menacées par le réchauffement climatique. Les évènements météorologiques extrêmes vont aller croissant, comme les périodes de sécheresse, » rapporte-on à Munich. Le Land prévoit ainsi une enveloppe de 42 millions d'euros consacrés à un programme de recherche sur le climat. Cette enveloppe prévoit par ailleurs le renforcement du financement du programme KW 21, mis sur pied en coopération avec le Bade-Wurtemberg, un programme qui a pour objectif la recherche en vue de la modernisation des technologies employées dans les centrales thermiques.

Selon une étude de l'Institut allemand de recherche économique (DIW), le changement climatique devrait avoir, dans les 50 ans à venir, un coût d'environ 800 milliards d'euros pour l'Allemagne - un coût inégalement réparti selon les Länder, les plus pauvres d’entre eux devant être les plus touchés. "Compte tenu de leur situation économique, certains Länder seront cinq fois plus touchés par le changement climatique que d'autres", relève Claudia Kemfert du DIW. En ce qui concerne la Bavière et le Bade-Wurtemberg, le coût s’élèverait à respectivement 15% et 17% des 800 milliards d'euros, soit plus de 110 milliards d'euros chacun. Or, au regard de la puissance économique de deux Länder, ce montant représenterait pour la Bavière 0,9% et pour le Bade-Wurtemberg 1,2% de leur valeur ajoutée brute.

Contradictions

Le pragmatisme politique se heurte pourtant bien vite aux intérêts économiques des Länder. Ainsi, il faut noter que Mercedes-Benz a son siège au Bade-Wurtemberg, un Länder qui précisément continue à promouvoir la mobilité automobile, comme ne manque de relever les associations de défense environnementale : « Actuellement, ce ne sont que 22 millions sur les 32 milliards d’euros du budget du Bade-Wurtemberg qui sont consacrés à la lutte contre le réchauffement climatique. Par contre, le Land débloque 150 millions d’euros pour l’extension du réseau routier », dénonce l’ONG Bund.

Par ailleurs, la hausse des prix de l’énergie et l’électricité, la nécessaire indépendance énergétique de l’Allemagne, grandement dépendante du gaz russe, l’incertitude quant à la capacité des nouvelles énergies de couvrir entièrement les besoins en énergie relance le débat sur l’utilité de l’énergie nucléaire, un débat relayé par le Ministère fédéral de l’économie actuellement dirigé par le bavarois Michael Glos. Rappelons que l’Allemagne a signé en 2000 un pacte visant l’abandon du nucléaire d’ici 2021. Or, le Ministère de l’environnement fédéral à Berlin publie une brochure dont le titre annonce d’emblée le programme, « L’énergie atomique : des errements coûteux ». Ainsi, « l’électricité provenant du nucléaire est cher et déficitaire. Elle ne s’avère rentable que par le biais d’importantes subventions de l’Etat », et par conséquent est synonyme d’une structure de production « raide et centralisée ».
Pourtant ce plaidoyer pour les nouvelles énergies butte à son tour contre une contradiction que ne manquent pas de dénoncer les associations environnementales : la promotion de nouvelles centrales de charbon (voir article lié). « Les centrales au charbon modernes avec un rendement de plus de 45% réduit de moitié les émissions de CO2 émises par les anciennes centrales, et elles peuvent assurer un approvisionnement en énergie de base. D’ici 2020, les centrales au charbon devraient n’émettre aucune émission. »

L’opinion publique allemande demeure, elle, constante : elle s’oppose aux centrales nucléaires comme aux nouvelles centrales aux charbon. Plusieurs mouvements de riverains en ont permis l’arrêt de construction.




Claire Stam à Francfort (Allemagne)
Mis en ligne le : 07/05/2008

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