vendredi 9 mai 2008

Le marketing voyou

http://www.lesechos.fr/digital/ARCHIVES/PDF_20080509_LEC/docslib/articlepdf.htm?article=../article/4724605.pdf?journee=PDF_20080509_LEC

Le marketing voyou

Le président de la République avait dénoncé quelques temps avant son élection , les«patrons voyous ». Si ceux-ci restent
heureusementtrèsminoritaires, il
est une pratique qui tend au
contraire à s’amplifier depuis
quelque temps et qu’on pourrait
appeler le «marketing voyou ».
Les exemplesabondent,quine
sont probablement pas étrangers
à la perception de perte de pouvoird’achat
ressentiepardenombreux
Français. Quelques-uns
parmi les plus criants.
l Impossible aujourd’hui de téléphoner
à un service prétendu
publicouàunegrandeentreprise,
y compris pour passer une commande,
sans passer par un numéro
surtaxé (débutant par 08)
dont le prix atteint fréquemment
plusieurs dizaines
de centimes
d’euro la
minute. Mieux
encore : pour
appeler un patient
dans un hôpital
de l’Assistance
publique
deParis,onvous
propose aujourd’huiun
numéro
en 08 dont le
coûtdépasseallègrementles5euros
pour une conversation d’une
quinzainedeminutes.Aquoibon
les forfaitsillimitésqueproposent
les opérateurs téléphoniques et
les fournisseurs d’accès Internet !
S’ilestnormaldepayerunservice
ouuneassistancetéléphonique(à
condition, bien sûr, de ne pas
payer le temps d’attente), il est
inacceptable d’avoirà payerpour
demander un renseignement,
faireuneréclamationouafortiori
passer une commande.
l De très nombreux contrats
proposés aux consommateurs ne
peuvent être dénoncés qu’à leur
date anniversaire et avec trois,
voire sixmois de préavis. Statistiquement
cette pratique revient à
piéger de nombreux consommateurs
et à prolonger leur contrat
d’une année supplémentaire.
l Les tarifs de nombreux services
(banques, opérateurs téléphoniques,
assureurs…) sont soit
incompréhensibles, soit impossiblesàcomparer,
cequiempêche
les consommateurs de faire jouer
la concurrence.
l Les conditionsde garantiedes
biens de consommation durables
sont souvent assorties de conditions
ou de restrictions qui rendent
la garantie inopérante.
l La publicité devient souvent
trompeuse ou même mensongère
: que penser par exemple
d’une publicité mettent en avant
leprixd’unservice« pourlestrois
premiers mois » en occultant le
prix ultérieur, sensiblement plus
élevé.
On pourrait allonger la liste.
Ces pratiques commerciales,particulièrement
agaçantes pour le
consommateur,onttoutesunseul
et même but : lui prendre le plus
d’argent possible, parfois à son
insu, et, en règle générale, sans
qu’il puisse faire jouer la concurrence.
Les brillants « experts enmarketing
» à l’origine de ces pratiques
sont sûrement très
contents de leurs trouvailles et
très fiers d’augmenter ainsi leur
chiffre d’affaires et leur profit.Ce
sontprobablement lesmêmesqui
dissertent savamment sur les
techniques modernes du marketingetexpliquentl’importancede
la satisfaction du client (« customer
satisfaction » dans leur jargon).
La vérité est que les
consommateurs sont en train de
prendre conscience de ces pratiques
et qu’ils
sont demoins en
moins satisfaits.
Dernier avatar
de ces dérives
commerciales :
les augmentations
de prix injustifiées
de certains
produits,
notamment des
produits alimentaires,
qu’on observe
en ce début d’année 2008.
Au lieu de répercuter en toute
transparence et à leur juste poids
les augmentations de prix des
matièrespremières,certainsyont
vu la possibilité d’augmenter
leurs marges au détriment du
consommateur. Jouant sur l’opacitédesmécanismesdeformation
des prix dans la grande distribution
et suruneconcurrence insuffisante,
certains distributeurs et
industriels ont ainsi, de concert,
abusivement amplifié des augmentations
légitimes dans leur
principe.
Toutes ces pratiques mises
bout à bout finissent par donner
au consommateur l’impression
d’être trompé, et lemotest faible.
Le préjudice ressenti est d’abord
financier,biensûr,cequiexplique
le sentiment de perte de pouvoir
d’achat ; mais il est aussi psychologique
lorsque le citoyenconsommateur
a l’impression
qu’on le prend pour un imbécile.
Faut-il s’étonnerque lemoraldes
Français soit en baissedansuntel
contexte ?
Il est temps que les services
publics et les entreprises concernés
mettent fin à ces dérives qui
neserventpasleursintérêtsàlong
terme. Qu’un marketing astucieux
soit un moyen de développer
chiffre d’affaires et profit,
c’est tout à fait légitime…dans le
respect d’une certaine déontologie.
Mais lorsque lemarketing ou
lacommunicationserventàtromper
le client, la ligne jaune est
franchie.

YVES PEIROTES est ancien
président d’Electrolux France.

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