http://www.lesechos.fr/digital/ARCHIVES/PDF_20081014_LEC/docslib/articlepdf.htm?article=../article/4782986.pdf?journee=PDF_20081014_LEC
Quand l’électronique devient organique et s’imprime
L’impression de composants à bas coûts devrait révolutionner le design et les usages de l’électronique.
Depuis quelques semaines, la brigade des sapeurs-pompiers de Paris
teste une combinaison munie
de capteurs des rythmes cardiaques
et respiratoires, d’un
GPS, d’un accéléromètre, d’une
balise visuelle et sonore, d’un détecteur
de gaz, sans oublier une
connexionWi-Fi.Objectif : suivre
les déplacements des soldats du
feu et déclencher l’alarme si l’un
d’eux est en difficulté. Pour l’instant,
les composants électroniques
de ce prototype sont en
silicium, et donc fragiles. Mais, à
terme, cette combinaison, développée
dans le cadre du programme
européen Proetex, utilisera
de l’électronique organique.
L’électronique organique ? Ce
sont des transistors, des capteurs,
des pucesRFID, des cellules photovoltaïques,
voire des batteries,
réalisés non plus en silicium,mais
en matériaux organiques, composés
de carbone et d’hydrogène
(lire ci-dessous). Ils présentent
plusieurs avantages : ils sont flexibles
− d’où,par exemple, lapossibilité
de les glisser dans des habits.
Surtout, ils sont plus faciles à
produire et doncmoins chers que
les composants classiques. Certains
d’entre eux peuvent
même… s’imprimer !
« L’électronique organique ne
va pas remplacer l’électronique
classique, précise Gilles Horowitz,
professeur de physique et
chimie à l’université de Paris Diderot
Paris-VII. Mais elle va permettre
de faire de l’électronique
bonmarché et sur de grandes surfaces.
» Chez Sofileta, une entreprise
françaisespécialisée dans les
textiles techniques (pour les pompiers,
lesmilitaires, les ouvriers de
la chimie…), qui a participé au
programme Proetex, on a vite
compris l’intérêt de cette technologie.
« L’électronique organique
imprimée va permettre une rupture
en termes de design etd’usage.
On peut imaginer un bracelet
contenant tout le dossier médical
des patients d’un hôpital, voire un
téléphone mobile qui se porterait
au poignet… », précise Laurent
Jamet, responsable du développement
de Sofileta.
Capteurs solaires pliables
Mais, évidemment, d’autres s’y
intéressent. Plusieurs entreprises
annoncent pour les prochains
mois des produits à base d’électronique
organique. Konarka,
aux Etats-Unis, utilise notamment
des brevetseuropéensdéveloppés
par un professeur de l’université
deLinz, enAutriche, pour
mettre au point des capteurs solaires
pliables. PolyIC, installé à
Fürth, près de Nuremberg, enAllemagne,
veut imprimer les puces
RFID par rouleaux entiers. Toujours
en Allemagne, une « Organic
Valley » est en train de se
constituer près de Dresde. C’est
là, par exemple, que PlasticLogic,
une société américaine d’origine
anglaise (elle utilise des brevets
déposés par l’université de Cambridge),
a inauguré en septembre
dernier une usine d’où devraient
sortir au premier semestre 2009,
ses premiers lecteurs électroniques,
contenant chacun un million
de transistors organiques.
C’est également à Dresde que se
trouve Novaled, spécialiste des
Oled (diodes électroluminescentes
organiques). En Finlande,
l’industrie papetière espère trouver
denouveaux débouchés grâce
à l’électronique organique : les
capteurs,médicauxouindustriels,
pourront être imprimés directement
sur le papier. A Oulu, au
nord du pays, l’université etVTT,
un laboratoire public, planchent
sur ces applications.
En France, les entreprises sont
plutôt timides. « C’est un métier
qui suppose à la fois des compétencesen
électronique, enchimie et
en imprimerie : il est donc normal
que les Allemands s’y soient intéressés
avant nous », expliqueLaurent
Jamet, de Sofileta. Cette
PME familiale, installée à Bourgoin-
Jallieu, entreLyon etChambéry,
s’est lancée dans l’aventure
organique depuis bientôt deux
ans :ellefaitpartieduprogramme
Printronics, intégré au pôle de
compétitivité Minalogic de Grenoble.
Son but est de développer
une filièrede composants électroniques
organiques imprimés, en
mettant au point des lignes de
production par impression qui
coûteraient quelques dizaines de
millions d’euros, contre plusieurs
milliardspour lamoindreusinede
composants en silicium.Le projet
Printronics, doté d’un budget de
20 millions d’euros, rassemble,
outre Sofileta, le Commissariat à
l’énergie atomique (à travers
deux de ses laboratoires de Grenoble
et de Chambéry, le Liten et
le Leti), STMicroelectronics
(électronique flexible), NanoidentBiometrics
(capteurs biométriques)
et Infiniscale(logiciels de
conception électronique).
Discrétion des industriels
Pour l’instant, toutes les lignes
d’impression des composants organiques
ne sont que des pilotes.
«Nous avons lancé notre ligne de
démonstration à l’automne 2007,
mais nous ne vendons pas encore
nos puces RFID », reconnaît
Wolfgang Mildner, directeur général
de PolyIC, une entreprise
pourtant considérée par ses pairs
commeunedesplusen avance.Le
sujet est tellement sensible que
tousles industriels gardent secrets
leurs travaux de recherche.
Quand on questionne Rick Hess,
PDG de Konarka, qui annonce
pour 2009 le lancement commercial
de ses premiers capteurs photovoltaïques
flexibles, il botte en
touche en répondant : « La technologie
Konarka peut être imprimée
à l’aide de différentes méthodes,
y compris la flexographie,
la gravure, la sérigraphie et le jet
d’encre :nousdevons justeadapter
la formulation des matériaux. »
Même s’il reste plusieurs verrous
technologiques à débloquer
(lire ci-dessous), les consultants
sontenthousiastes.Plusieurs cabinets
d’études estiment que l’électronique
organique imprimée va
« exploser » au cours des prochaines
années. « Nous prévoyons
que ce segment représentera
en 2015 un marché de
15 milliards de dollars dans le
monde », avance Harry Zervos,
analyste chez Idtechex, un organisme
anglais.
JACQUES HENNO
Des diodes organiques déjà présentes sur les appareils mobiles
Ecrans. Depuis les années 1970,
onsaitquecertainspolymèrespossèdentdes
capacités semi-conductrices.
Alan J.Heeger (université de
Californie à Santa Barbara), AlanG.
MacDiarmid (université de Pennsylvanie)
et Hideki Shirakawa (université
de Tsukuba, Japon) reçurent
le prix Nobel de chimie en
2000 pour leur découverte. Pour
l’instant, les polymères semiconducteurs
sont surtout utilisés
pour des écrans. En 1987, un chercheurdeKodakrédigealapremière
étude sur les diodes électroluminescentes
organiques (Oled en anglais,
Delo en français). Pionnier, à
la fin des années 1990, utilisa les
premiers Oled pour un autoradio.
Aujourd’hui, les écrans Oled sont
présents sur près de la moitié des
baladeursMP3.Sony acommercialisé
au Japon et aux Etats-Unis sa
première télé Oled au début de
cette année. Prix : 2.500 dollars
pour un écran de 11 pouces de
diagonale, mais de seulement
3 millimètres d’épaisseur.
CEA/Artechnique
A la différence des composants classiques en silicium, les composants
organiques seront flexibles, ce qui permettra par exemple de les intégrer
à des vêtements.
mardi 14 octobre 2008
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