mercredi 14 mai 2008

Employeurs, comment vous protéger contre les indiscrétions ?

http://www.lesechos.fr/digital/ARCHIVES/PDF_20080513_LEC/docslib/articlepdf.htm?article=../article/4724999.pdf?journee=PDF_20080513_LEC

Employeurs, comment vous protéger contre les indiscrétions ?

La Cour de cassation admet la validité des clauses de confidentialité se prolongeant
au-delà de la fin du contrat de travail.
oici une jurisprudence qui
Varrive troptard et aumau- vais endroit pour la princesse
Diana mais qui ne va pas
manquer d’être accueillie avec joie
par bien des employeurs, personnes
morales et physiques.
L’affaire quinousoccupemérite
d’autant plus le qualificatif de « savoureuse
» qu’elle oppose le célèbreGuideMichelinà
l’un de ses
inspecteurs gastronomiques.
Après plusieurs années de bons et
− on suppose − loyaux services au
sein de cette entreprise, l’inspecteur
en question projette d’écrire
unlivresurson« vécu »professionnel,
qui,bienentendu,mettraitànu
tous les rouages cachés du Guide
Michelin.
Néanmoins, le futur écrivain a
des scrupules. Ce serait dommage
de passer à côté d’une occasion de
préserver le Guide rouge d’une
atteinteàsanotoriété, aussiavise-til
sa hiérarchie de son intention, en
ajoutant que, contre le versement
d’une somme de 150.000 euros, il
pense renoncer à son projet. Pour
des raisons obscures, la direction
accepte ce marchandage mais, au
moment de signer, le salarié annonce
que le prix de sa renonciation
a doublé. Le Guide Michelin
se décide enfin à voir rouge − c’est
le moins qu’on pouvait en attendre
− et licencie le salarié pour
« faute grave en raison de menaces
de chantage associées à des violations
répétées et délibérées des obligations
résultant de son contrat de
travail ».
Après cette rupture, le salarié
intente une action devant les
prud’hommes pour licenciement
sans cause réelle et sérieuse et fait
publier son manuscrit. L’employeur
forme alors une demande
reconventionnelleendommageset
intérêts pour violation par l’ancien
salarié de son obligation de confidentialitéprévueparsoncontratde
travail.Car leGuideMichelin avait
pris la précaution de faire signer à
tous ses inspecteurs une clause de
discrétionvalablependant ladurée
du contrat et au-delà.
Un arrêt riche en messages
La cour d’appel de Paris rend une
décision en demi-teinte : elle approuve
le licenciement, et ce pour
deux raisons, d’abord parce que le
salarié a violé son obligation de
discrétion, valable pendant la duréeducontrat,
ensuiteparcequeen
surenchérissant sur la somme initialement
demandée, il s’est livré,
ni plus nimoins, à du chantage.En
revanche, ellerefusededédommager
lasociétéMichelinEditionscar,
selon elle, la clause de confidentialité
ne survit pas au contrat de
travail, àmoins qu’elle ne soit couplée
avec une clause de nonconcurrence.
LaCourde cassationconfirmele
diagnostic concernant le motif du
licenciement, mais contredit la
cour d’appel en ce qui concerne la
clause de confidentialité. «Destinée
à protéger le savoir-faire propre
à l’entreprise », celle-ci « peut valablement
prévoir qu’elle s’appliquera
après la fin du contrat de
travail et que l’inexécution par le
salarié de l’obligation de confidentialité
postérieurement à son départ
de l’entreprise le rend responsable
du préjudice qui en résulte pour
celle-ci,même en l’absence de faute
lourde » (Cass. soc., 19 mars 2008,
no 06-45.322),
Cet arrêt est si richeenmessages
qu’on s’étonne qu’il ne soit pas
déclaré publiable. D’abord, il rappellequelalibertéd’expressiondes
salariés s’arrête là où commence le
devoir de discrétionquant aux procédés
de fabrication. Ensuite, il
souligneque, selonl’article 1134du
Code civil, relayé par l’article
L. 1222-1 duCode du travail,
« le contrat de travail est exécuté de
bonne foi ».Onnoteraquece principe
n’est pas exprimé sous forme
d’obligationmais d’évidence. Pour
reprendre une expression chère à
la Cour de cassation, il doit « irriguer
» l’application et l’interprétation
du Code du travail. Le salarié
se croyait malin en faisant remarquer
qu’il avait attendu d’être hors
de l’entreprise pour publier son
livre, mais il se savait lié par une
clause de confidentialité et, même
s’il l’estimait inopérante après la
ruptureducontrat, le faitde l’écrire
et de monnayer sa renonciation
était un manquement à la bonne
foi.Troisième point, il trace une
frontière claire entre la clause de
confidentialité et celle de nonconcurrence,
elles sont indépendantes
l’une de l’autre.
Dernier point mais non des
moindres, elle autorise la mise en
jeu de la responsabilité pécuniaire
de l’ex-salarié, en dehors de toute
faute lourde. En bref, le devoir de
discrétion survit au contrat de travailmais
pas la protection du salariécontreles
sanctionspécuniaires.
(*) Editions Lamy

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