http://www.lesechos.fr/digital/ARCHIVES/PDF_20080513_LEC/docslib/articlepdf.htm?article=../article/4724646.pdf?journee=PDF_20080513_LEC
Médecine régénérative : le Pentagone s’investit
Le département de la Défense américain a décidé de débourser près de 250 millions de dollars dans un institut de recherche sur l’ingénierie tissulaire.
a médecine régénérative
Lvient de recevoir un sou- tien inattendu, celui du département
de la Défense américain.
En lançant un institut
spécialisé baptisé « Afirm» (*),
Washington affiche son intérêt
pour une discipline en plein devenir
:l’ingénierietissulaire.Lesmilitaires
américains vont injecter
250 millions de dollars (161,2 millions
d’euros) sur cinq ans dans
une activité où tout ou presque
reste à découvrir. Les experts du
Pentagone pensent que cette filière
peut rendre d’immenses services
dans les soins aux blessés du
champ de bataille. Il s’agit d’obtenir
des cultures cellulaires de substitution
destinées à guérir des brûlures,
aider à la cicatrisation,
permettre des reconstructions
crano-faciales, faciliter les transplantations
d’organes, réduire les
problèmes inflammatoires postopératoires
ou réparer des nerfs ou
des muscles détruits. Selon un représentant
du ministère de la Défense,
ces travaux s’inscrivent
« dans une longue traditiond’innovation
et de collaboration » de l’armée
américaine. Le financement
du programme quinquennal est
pris en charge par des institutions
militaires des trois armes ainsi que
par les National Institutes of
Health (NIH) et le ministère des
Anciens combattants. Environ
180 millions de dollars (sur cinq
ans) seront redistribuésà desorganismes
publics ou privés (universités,
entreprises, laboratoiresnationaux),
selon la technique
habituelle des appels à projet en
vigueur outre-Atlantique.
Effort national
Le nouvel institut regroupe des
structures existantes dans plusieurs
universités (Wake Forest,
Pittsburgh, Rutgers, Cleveland
Clinic). Un institut militaire spécialisé
dans les recherches en
chirurgie (San Antonio) pilotera
les travaux et les essais cliniques.
Près de 85 millions de dollars (sur
cinqans) sontdestinésaufonctionnement
de l’Afirm. Le projet est
présenté par les autorités américaine
comme un « effort national
pour prendre en charge les blessés
revenant d’Afghanistan ou d’Irak
affectés par de nombreuses blessures.
Certains de ces combattants
doivent faire face à des problèmes
de récupération après des blessures
sévères aux membres, à la tête et au
visage et à des brûlures qui réclament
des années de traitement et
peuventdevenir des handicaps permanents
sévères ». Bizarrement, le
document de présentation reste
muet sur la marche à suivre pour
obtenir ces tissus de remplacement.
L’utilisation de cellules
souches embryonnaires restepour
l’instant la solution la plus fiable
pour obtenir des cellules différenciéesopérationnelles
(voir illustration).
Mais cette voie n’est pas
autorisée aux Etats-Unis, pour la
recherche financée par des fonds
publics.
Pour l’instant, les applications
pratiques de cette filière restent
très hypothétiques. Le ministère
de la Santé américain (HHS) qui a
proposé le lancement d’un plan
national complémentaire du projet
Afirm, estime d’ailleurs que la
« productionà lademandede tissus
réparateurs exigera une vingtaine
d’annéesdetravail ».Des thérapies
pour la peau, les os et les cartilages
qui semblent plus simples pourraient
devenir significatives dans
cinq ans. Le HHS réclame à la
Maison-Blanche la mise en route
d’une « initiative pour la médecine
régénérative (Firm) » construite
sur le modèle des opérations stratégiques
lancées sur les nanotechnologies
ou les semi-conducteurs.
« Sans une actionmenée au niveau
fédéral, la science américaine fera
face à un futur précaire », indique
l’argumentaireduprojet.Pourjustifier
son appel, le HHS n’hésite
pas à rappeler que plusieurs programmes
de R&D ont été lancés
par des concurrents des Etats-
Unis : Japon, Chine, Union Européenne,
Australie. Selon le HHS
« la présence américaine dans le
secteur de lamédecine régénérative
risque d’être éclipsée, car près de
40%des entreprises créées dans ce
secteurdepuis l’an2000 sont basées
hors des Etats-Unis ».
Appel à l’Etat
Venant de tout autre pays, ce vibrant
appel à l’interventionnisme
étatique seraitdénoncécomme archaïque
et anticoncurrentiel. Au
pays de l’Oncle Sam, on joue sur
une corde très sensible : le besoin
d’indépendance pour maîtriser
une technologie jugée stratégique
pour l’avenir ou le bien-être des
citoyens. « Le gouvernement américain
a toujours étéà lapointede la
technologie et il ne devrait pas en
être autrement pour la médecine
régénérative. Il est temps de se lancer
dans une initiative qui transforme
cette technologie en réalité »,
indique leHHS.Dans leur intense
opérationdeséduction, lesauteurs
du rapport n’hésitent pas non plus
à louer la clairvoyance historique
des autorités fédérales. « Aux
Etats-Unis, les relations symbiotiques
entre le gouvernement et la
science sont vitales pour lacompréhension
et le développement de
traitements pour lesmaladies. » Selon
les experts américains, cette
discipline fait face àdeuxbarrières
qui freinent son développement :
lemanque de connaissance fondamentale
des mécanismes de croissance
et de différenciation cellulaire
et le défaut de recherches
interdisciplinaires.
ALAIN PEREZ
(*) Armed Forces Institute
of Regenerative Medecine.
Les étapes principales
Selon les experts américains, le
développement de l’ingénierie
tissulaire passe par plusieurs
étapes.
Dans un délai de cinq ans
l Développement d’applications
pour la peau, les cartilages, les os,
les vaisseaux sanguins et certaines
prothèses urologiques.
l Etablissement de normes
d’homologation par les autorités
de santé pour les biotissus.
l Disponibilité de sources
de cellules stables pour
la communauté scientifique.
l Mise en place de techniques
de production fiabilisée.
l Disponibilité de banques
de cellules.
Dans un délai de dix ans
l Compréhension du métabolisme
des cellules souches.
l Mise au point de squelettes
biodégradables destinés
à la production des structures
biologiques en 3D.
l Développement de technologies
de microfabrication pour des tissus
vascularisés.
l Développement de patchs
biologiques destinés à
des réparations ponctuelles
d’organes lésés.
Dans un délai de vingt ans
l Fabrication de matériaux
pouvant réhabiliter in situ
de nombreux organes
endommagés ou malades.
l Régénération de tissus ou
d’organes in situ.
l Production in vitro de tissus en
3Dpour les organesmalades qui
ne peuvent pas être réparés in situ.
Un marché de 500 milliards
Activité industrielle. Selon le
ministère américain de la Santé
(HHS), le marché mondial de la
médecine régénérative pourrait
atteindre 500 milliards de dollars
dans un délai de l’ordre de la
dizaine d’années (dont 100 milliards
de dollars aux Etats-Unis).
Ce montant est à rapprocher du
marché des greffes fixé à environ
350milliardsde dollars.Dans un
récent document qui analyse le
potentiel des thérapies cellulaires
à l’horizonde 2020, leHHS
estimeque cette disciplinepourrait
donner naissance à une « gigantesque
activitéindustrielle dominée
par les Etats-Unis ».
D’après le HHS, le vieillissement
de la population justifie ces recherches
fondamentales. En
2040, 25% du produit national
brut du pays seront consacrés à
la santé, contre 14% actuellement.
A cette date les « plus de
65 ans » seront 70 millions,
contre 35 millions aujourd’hui.
Les ingénieurs tissulaires ont comme projet ambitieux de synthétiser
pratiquement tous les types de tissus humains.
mercredi 14 mai 2008
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