http://www.lesechos.fr/digital/ARCHIVES/PDF_20080523_LEC/docslib/articlepdf.htm?article=../article/4730653.pdf?journee=PDF_20080523_LEC
La crainte d’une pénurie durable et généralisée
commence à hanter les marchés pétroliers.
La flambée des derniers jours témoigne d’une prise de conscience brutale : l’approvisionnement en brut risque d’être beaucoup plus
problématique que prévu et le « pic pétrolier » apparaît comme unemenace bien réelle.A cause duvieillissement desgisements existants et dumanque d’investissement, l’Agence internationale de l’énergie pourrait sérieusement abaisser ses prévisions de productionmondiale.
Il y avait, mercredi, quelque
chose de surréaliste à lire les déclarations des dirigeants
des grandes compagnies pétrolières
anglo-saxonnes, interrogés
pardessénateursaméricainssurla
flambée des prix du brut. Au moment
où le baril franchissait allègrement
la barre des 135 dollars,
tous, ou presque, s’étonnaient de
cet embrasement, enestimant que
leprix de l’or noirdevrait plutôt se
situer aujourd’hui entre... 35 et
90 dollars le baril ! La fourchette
est large.Elle illustrebienledésarroi
d’acteurs pétroliers confrontés
àunesituation inédite.Oun’osant
pas formuler à haute voix le diagnostic
que tout le monde
redoute.
Et sil’envoléedesderniersjours
annonçait déjà un déséquilibre
profond et durable du marché ?
Jusque-là, même au-delà des
100 dollars par baril, les mêmes
explications étaient avancées par
les professionnels du secteur : une
demande dynamique, alimentée
par les besoins des pays émergents
; une offresous pression, à la
mercidumoindreincidentou soubresaut
géopolitique ; un effritement
du dollar, attirant les capitaux
vers les commodités en
général, et le pétrole en particulier...
Tout ceci a contribué, et
contribue encore à la flambée des
cours du brut.
Mais, depuis quelques jours, la
pousséede fièvreest différente.Et
pour tout dire, plus inquiétante.
Car des analystes aux traders, en
passant par les consultants et les
pétroliers eux-mêmes, chacun
semble s’être convaincu aumême
moment d’une grande menace : la
crainte d’une pénurie de brut à
l’échelledelaplanète n’est plus un
fantasme lointain. La preuve ?
Dans les colonnes des journaux
comme sur les blogs spécialisés,
voilà que ressurgit la théorie si
contestée du « pic pétrolier » − le
fameux « Peak oil » −, selon laquelle
la production mondiale de
pétrole atteindra bientôt un pic,
puis entamera un inexorable déclin.
Le plus révélateur du pessimisme
ambiant estque cette thèse
trouve désormais un écho au sein
même des majors pétrolières, et
d’uneinstitution comme l’Agence
internationale de l’énergie (AIE).
Une demande croissante
Hier, le « Wall Street Journal »
révélait que l’AIE se préparait à
abaisser sensiblement ses prévisionsde
productionmondiale.Engagée
dans une vaste étude sur les
400 plus grands gisements pétroliers
de la planète, dont la publication
est prévue à l’automne,
l’agence en aurait déjà tiré cette
conclusion alarmiste : l’approvisionnement
en brut sera, à l’avenir,
beaucoup plus problématique
qu’on ne le pensait. Jusqu’à présent,
les experts de l’AIE (qui
représente les intérêts énergétiques
des pays industrialisés) prévoyaient
une hausse régulière de
la production, permettant d’atteindre
environ 116 millions de
barils par jour à l’horizon 2030,
contre 87millions aujourd’hui.Ce
scénario-là ne semble plus d’actualité.
A cause du vieillissement
des champs existants, de la difficulté
à trouver de nouvelles réserves
et du manque d’investissement,
l’AIE pense que l’industrie
aura dumal à dépasser les 100millionsdebarilspar
jourau coursdes
vingt prochaines années.
Unniveau bien insuffisant pour
faire face à la demande. Surtout si
la Chine, l’Inde et les pays du
Moyen-Orient continuent de
consommer autant d’hydrocarbures.
Dans son dernier rapport
mensuel, l’AIE estimait que leur
demande de produits pétroliers
augmenterait encore de 4,9%
cette année. Jusqu’ici, le marché
fondait de grands espoirs sur la
capacité des Russes à fournir les
barils réclamés par ces nouveaux
consommateurs.Mais les signaux,
là encore, sontmauvais.Depuis le
début 2008, le deuxième fournisseur
mondial de pétrole a vu sa
production stagner. Il vientmême
d’afficher pour lemois d’avril son
premier déclin (− 0,5%) depuis
dix ans.
Accélérer les investissements
Dans ces conditions, les grands
acteurs pétroliers n’auront donc
d’autre choix qu’accélérer leurs
programmes d’investissements.
Pour trouver de nouveaux gisements,
repousser les frontières
technologiques et retarder le plus
possible l’épuisement de leurs ressources.
« Ce dont nous sommes
sûrs, prévient le directeur des
étudeséconomiques del’AIE, Fatih
Birol, c’est que les dépenses à
engager seront beaucoup, beaucoupplus
importantesqueprévu. »
De quoi donner le vertige : sur la
seule année 2008, les cinq géants
occidentaux ExxonMobil, Shell,
BP, Total et Chevron ont programmé
près de 100 milliards de
dollars d’investissements dans
l’exploration et la production.
C’est quatre fois plus qu’au début
de la décennie.
PASCAL POGAM
samedi 24 mai 2008
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire