http://www.lesechos.fr/digital/ARCHIVES/PDF_20080514_LEC/docslib/articlepdf.htm?article=../article/4725694.pdf?journee=PDF_20080514_LEC
Le memristor future révolution de l’électronique
Le laboratoire californien de Hewlett-Packard vient d’annoncer une découverte scientifique qui devrait bouleverser l’informatique et l’intelligence artificielle.
DE NOTRE CORRESPONDANT
À PALO ALTO.
C’est plus qu’une invention,
c’est une découverte scientifique fondamentale. »
Celui qui s’exprime ainsi sait de
quoi il parle. Leon Chua n’était
encore, en 1971, qu’un jeune professeur
de physique à l’université
de Berkeley, près de San Francisco.
A cette époque, il fut le
premier à théoriser l’existence
d’un quatrième type de circuit
électronique, en plus des condensateurs,
résistances et inducteurs
déjà connus. Selon lui, il serait
possible de mettre un jour au
point une « résistance à mémoire
», baptisée « memristor »
(memory resistor), dont les caractéristiques
seraient fondamentalement
différentes des trois
autres.
C’est exactement ce que vient
de faire l’équipe de Stanley Williams,
qui dirige le Quantum Systems
Lab, le laboratoire
de nanotechnologies de Hewlett-
Packard, à PaloAlto, dans la SiliconValley.
Dans unarticle publié
fin avril par la revue « Nature »,
intitutée : «Memristor : the missing
circuit element », il précise les
perspectives offertes par ce nouveau
circuit, dont il vient de prouver
l’existence pour la première
fois au monde. « Il est maintenant
possible pour les ingénieurs de
concevoir des circuits intégrés susceptibles
d’améliorer considérablement
les performancesdesordinateurs
», promet Stanley
Williams.Lememristor est en fait
une résistance dotée d’une mémoire,
ce qui signifie que le
contenu de la mémoire reste disponible,
même sans alimentation
électrique. A terme, des circuits
conçus à partir dumemristor permettront
de remplacer avantageusement
les actuellesmémoires
d’ordinateur (DRAM).
Sans alimentation
Dans les ordinateurs actuels,
celles-ci perdent leur information
à chaque fois que l’alimentation
est coupée. Un ordinateur qui
utiliserait des mémoires basées
sur le concept de memristor
consommerait donc beaucoup
moins d’énergie puisque l’on
pourrait continuer d’accéder à
son contenu sans alimentation.
Un tel ordinateur serait aussi
beaucoup plus rapide car il éviterait
lephénomèned’aller etretour
permanent avec les supports de
stockage magnétiques, qui
conservent l’ensemble des données.
Cet effet bénéfique serait
maximumdans le cas des grandes
configurations, ces « fermes de
serveurs » qu’il faut constamment
alimenter en électricité à la fois
pour les garder opérationnelles
et les refroidir.
Onestbien sûr encore très loin
d’avoir mesuré tout le potentiel
de cette découverte. L’équipe de
HP Labs assure en effet que les
performances dumemristor s’accroissent
avec la miniaturisation.
C’est d’ailleurs pourquoi son
existence n’avaitpu être prouvée
depuis près de quarante ans qu’il
est théorisé : il a fallu maîtriser
l’usage des nanoparticules pour
parvenir à construire le premier
circuit électronique qui démontre
ses propriétés uniques.
Le circuit conçupar l’équipe californienne
aurait été mis au point
à partir d’un memristor d’une
taille de 15 nanomètres (150fois la
taille d’un atome). A terme, HP
estime possible d’en concevoir
des composants quatre fois plus
petits.
A titre de comparaison, les
semi-conducteurs les plus miniaturisés
actuellement sont conçus
avec des circuits de 45 nanomètres.
Et l’on estime qu’avec
cette technologie de production,
une barrière physique de l’ordre
de 20 nanomètres est infranchissable
à cause de la trop forte
chaleur produite par le fonctionnement
des composants à des distances
si faibles. Ultime bonne
nouvelle : cette classe de composants
pourrait être fabriquée sur
les chaînes actuelles, ce qui promet
des applications industrielles
relativement rapides puisqu’il ne
sera pas nécessaire d’investir dans
des infrastructures.Mais la portée
du memristor dépasse largement
le cadre de l’ordinateur au sens
strict, même s’il pourrait considérablement
relancer sa miniaturisation
et ses performances. C’est
ainsi qu’en fonction de la vitesse
du courant électrique qui circulera
à l’intérieur de ces nouveaux
composants, on aboutira à des
résultats complètement différents.
« Sil’onpousse le courantau
maximum, on aura quelque chose
qui se comportera commeunéquipement
numérique, mais si on se
contente d’une vitesse réduite, on
aura plutôt un mode de fonctionnement
analogique », explique
Stanley Williams.
Dans le premier cas, on défie à
nouveau la loi de Moore − et
l’amélioration du rapport performances-
prix des ordinateurs −
pourde longuesannées.Avec, à la
clef, des nano-ordinateurs pratiquement
invisibles à l’oeil nu, autonomes
et économes.
Comme un cerveau humain
Dans le second cas, HP indique
que le fonctionnement analogique
du memristor s’apparente à la façon
dont les synapses se comportentdansle
cerveauhumain.C’està-
direunmodebasé davantage sur
la comparaison et l’information
déjà acquise que la vitesse de calcul.
Dès lors, une nouvelle voie
s’ouvre pour concevoir des systèmes
d’intelligence artificielle
fonctionnant comme un cerveau
humain,maisdontlatailleneserait
pas limitée à la boîte crânienne…
Nous n’en sommes pas encore là
mais leHP Labs reconnaît travailler
à la conception de composants
de ce type.
D’icilà,bien desrecherches fondamentales
sont encore à achever,
comme par exemple déterminer
avecquelsmatériauxil convientde
fabriquer les nanoparticules des
memristors.Leconstructeur informatique
promet de révéler prochainement
le fruitde certaines de
ses recherches, non sans avoir au
préalableprotégécommeil sedoit
sanouvelle propriété intellectuelle
par les brevets adéquats. «Nous
sommes à la veille d’inventer des
équipements que personne n’avait
encore imaginésàce jour », résume
Stanley Williams.
MICHEL KTITAREFF
Stanford se lance dans l’informatique massivement parallèle
Univers virtuel. Coïncidence ou
pas, au moment où HP rendait
publique sa nouvelle découverte
scientifique, l’université de Stanford,
distante de quelques kilomètres
seulement duHP Labs, annonçait
le lancement d’un
nouveau laboratoire, le « Pervasive
Parallelism Lab » (PPL). Financé
par les géants de l’industrie
informatique américaine (IBM,
HP, Intel, notamment), celui-ci a
pour but de développer de nouveaux
outils qui permettront aux
informaticiens d’écrire enfin des
programmes capables d’exploiter
la nouvelle puissance informatique
des ordinateurs « massivement
parallèles ». Alors que les
circuits de type «memristors »
promettent de démultiplier encore
leur puissance, le constat est
fait aujourd’hui que peu de logiciels
existant sur le marché sont
conçus pour cette informatique
parallèle. Souhaitant innover dans
ce domaine, le PPL a décidé une
nouvelle approche pour « cacher »
aux informaticiens la complexité
d’une programmation parallèle,
c’est-à-dire où les instructions
d’unprogrammepeuvent s’exécuter
de façon parallèle et non uniquement
séquentielle. Ils comptent
en particulier utiliser le
concept d’univers virtuel pour
imaginer ces nouveaux outils de
développement d’applications
destinés aux superordinateurs parallèles
de demain.
Bloomberg
vendredi 16 mai 2008
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