vendredi 30 mai 2008

Mieux recycler les eaux usées pour lutter contre la pénurie

http://www.lesechos.fr/digital/ARCHIVES/PDF_20080530_LEC/docslib/articlepdf.htm?article=../article/4733794.pdf?journee=PDF_20080530_LEC

Mieux recycler les eaux usées pour lutter contre la pénurie

Grâce à d’importants progrès techniques, les eaux usées recyclées trouvent de nouvelles utilisations.
onfrontée depuis plusieurs
Cannées à une très sévère pénuried’eau, lavilleespagnole
de Barcelone essaie toutes
les solutions. Sa récente importation
d’eau par bateau-citerne depuis
Marseille a fait sensation.
Mais la cité catalane a également
demandé à Veolia de construire
une des plus grandes usines de
recyclage des eaux usées d’Europe
et, sans doute, dumonde.Comme
dans toutes les grandes villes, les
eaux utilisées par les habitants sont
envoyées dansunestationd’épuration
où elles subissent une première
série de traitements. Mais
ensuite, au lieu d’être rejetées en
mer, elles passent par des clarificateurs
et des filtres qui les rendent
assez propres pour un usage agricole
: chaque jour, 64.800 mètres
cubes d’eau sont ainsi réutilisés
pour l’irrigation, tandis que
37.060 mètres cubes sont injectés
dans lesnappes aquifères et dans le
delta du Llobregat, le fleuve local.
En Italie, l’usine de Milan San
Rocco, construite par Degrémont
(groupe Suez Environnement), reçoit
chaque jour dans ses bassins
l’équivalent de la consommation
de 1 million d’habitants. Là aussi,
l’eau recyclée est ensuite utilisée
pour l’agriculture.
Imaginée il y a une vingtaine
d’années pour l’industrie, la réutilisation
des eaux usées est une technique
en pleine expansion. Suez
Environnement estime que, dans
les sept prochaines années, les capacités
mondiales devraient plus
que doubler pour passer à 55 millions
demètres cubes par jour. Soit
une croissance de 10 à 12%par an,
en moyenne dans le monde. Avec
des pointes de 41% par an en
Australie, de27%enEuropeetde
25%aux Etats-Unis.« Làoùil ya
inadéquation entre les ressources et
lesbesoinsdela population, la réutilisation
des eaux usées recyclées
devient indispensable », résume
Hervé Suty, directeur général du
centre de recherche sur l’eau de
Veolia.Or le réchauffement climatique
et l’explosion démographique
accentuent le « stress hydrique
» dans plusieurs régions du
globe. « Chaque jour, de par le
monde, 200.000 personnes de plus
viennent habiter dans des villes »,
rappelleBernardGuirkinger, viceprésident
de SuezEnvironnement,
en charge de l’eau pour l’Europe.
Freins psychologiques
Les usages de l’eau recyclée sont
nombreux. Pour l’industrie, bien
sûr : à Lamballe, dans les Côtesd’Armor,
Veolia a construit pour
les abattoirs porcins d’une coopérative
agricole, la Cooperl
(60.000 bêtes abattues chaque semaine),
des installations qui traitent
14.000 mètres cubes par semaine.
L’utilisation la plus
fréquente est ensuite l’irrigation
agricole,mais aussi l’arrosage des
golfs, l’entretien d’un « 18-trous »
consommant autant d’eau qu’une
ville de 15.000 à 36.000 habitants.
Puis viennent la réalimentation
des nappes, voire directement la
production d’eau potable.
« Voilà vingt ans que la Namibie,
qui est dans une zone géographique
de stress hydrique, recycle
son eau pour la rendre potable, en
particulier pour la ville de Windhoek,
située dans une zone aride
éloignée de la côte, et donc sans
possibilité d’usage d’eau dessalée
par exemple », constate Hervé
Suty. «Même la ville-Etat de Singapour
s’y met, poursuit Diane
d’Arras, directeur métiers et recherche
chez Suez Environnement.
Ses réservoirs d’eau potable
contiennent 1% d’eaux recyclées.
» « Et les Chinois sont très
tentés de produire de l’eau potable
à partir des eaux usées », affirme
Marc Chevrel, directeur marketing
chez Degrémont Technologies.
Enfin, arrivent quelques
usages exceptionnels, comme la
reconversion d’anciennesmines à
cielouvert en zonedeloisirsaquatiques
(lire ci-dessous).
Plusieurs obstacles restent à
surmonter pour que la réutilisation
des eaux recyclées se généralise.
D’abord, la production d’eau
potablesoulèvedes freins psychologiques.
Les consommateurs ont
beaucoup de mal à comprendre
que l’eau desWCpeut être entièrement
nettoyée et rendue propre
à la consommation. « Pour tenter
de lutter contre ce phénomène,
nousmènerons très probablement
en Australie, dans le cadre d’une
chaire sur le recyclage des eaux
usées, des enquêtes auprès des utilisateurs
et des autorités locales sur
l’acceptabilité de ces eaux », indique
Hervé Suty.

Coût élevé:

De plus, les contraintes de sécurité
sont importantes. Un second réseau
d’adduction doit être mis en
place pour les eaux non potables.
« Et pour les eaux recyclées destinées
à laconsommationhumaine, il
faut d’importantes zones de stockage,
explique Diane d’Arras.
Cela permet debloquer une eau qui
aurait été mal traitée. »
Mais le principal problème reste
le coût. Si le recyclage demeure
moins cher que le dessalement, il
est toujours pratiquement deux
fois plus coûteux que l’utilisation
de l’eau naturelle (l’eau pompée
dans le haut d’une nappe phréatique,
par exemple). «Nous espérons
gagner 30% d’ici cinq à dix
ans », avance Hervé Suty. Trois
grandes techniques sont successivement
utilisées dans le recyclage
de l’eau : la microfiltration, l’osmoseinverseet
les ultraviolets.Les
deux premières consistent à faire
passer l’eau sous pression à travers
des membranes qui retiennent les
fines particules indésirables. Or,
qui dit pression dit énergie. « Pour
l’osmose inverse des eaux recyclées,
il faut de 12 à 15 bars de pression,
soit une consommation d’électricité
d’un kilowatt par mètre cube »,
préciseHervé Suty.Une des pistes
étudiées consiste à utiliser les nanotechnologies
pour fabriquer des
membranes comportant beaucoup
plus de pores au mètre carré, mais
toujours résistantes : du coup, la
pression exigée − et la consommation
d’électricité − sera moindre.
Restera à régler un autre problème
: les concentrats, terme désignant
les rejets qui contiennent
toutes les impuretés éliminées par
les membranes, et qui sont à l’origine
de très importants gaspillages.
JACQUES HENNO


Trois technologies pour purifier l’eau:

Microfiltration. Il s’agit d’un
prolongement de la filtration
classique : l’eau passe à travers
une membrane qui intercepte les
particules de moins d’un micron,
donc des colloïdes et des
bactéries.

Osmose inverse. Une forte
pression mécanique oblige les
eaux usées à passer à travers une
membrane semi-perméable afin de
retenir les solides dissous, la
matière organique, les virus et
bactéries. On obtient d’un côté de
l’eau pure, de l’autre une eau plus
chargée en sels et en matières
organiques (concentrat).

Ultraviolets. L’eau subit un
rayonnement ultraviolet de haute
intensité, qui a pour effet de
détruire les micro-organismes
(bactéries) et certaines
molécules.

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