mardi 10 juin 2008

Habillage, déshabillage et temps de travail

http://www.lesechos.fr/digital/ARCHIVES/PDF_20080610_LEC/docslib/articlepdf.htm?article=../article/4738193.pdf?journee=PDF_20080610_LEC

Habillage, déshabillage et temps de travail

Lorsqu’une tenue de travail est imposée, c’est une sujétion qui doit être compensée à la condition qu’habillage et déshabillage n’aient pas lieu à domicile.

Quel que puisse être le
texte définitif du projet de loi sur la durée du
temps de travail, une chose est
certaine, les heures supplémentaires
y tiendront la vedette car le
gouvernementnerenoncerapas à
son leitmotiv du « travailler plus
pour gagner plus ».
L’idée générale est de réserver
à la loi l’énonciation des grands
principes et de laisser aux partenaires
sociaux, à tous les niveaux,
le soin de s’organiser à l’intérieur
de ce cadre législatif très souple.
Malgré tout, on sent les entreprises
peu enthousiastes à l’idée
de repasser à la table de négociation
: le souvenir de la période
1998-2000 est encore cuisant.
Le gouvernement serait donc
bien avisé de conserver dans la loi
les sujets qui ont fâché il y a huit
ans, au premier rang desquels figure
la notion de travail effectif.
En effet, après avoir été acharnés,
sur cette question, au Parlement,
les débats continuent devant les
prétoires.
Toute la question était de savoir
s’il fallait baptiser « temps de
travail » tous les moments où les
salariés sont à la disposition de
l’employeurou s’il fallait faireune
distinction entre le temps réellement
consacré à travailler et celui
alloué à des activités périphériques,
déplacement, douche, habillage
et déshabillage. Cela peut
paraître dérisoire mais les entreprises,
en faisant leurs comptes,
s’étaient aperçu que ces temps
représentaient un coût non négligeable.
S’agissant du temps d’habillage
et de déshabillage, la question fut
réglée par l’amendementMickey
(ainsi nommé parce que la question
avait été abordée par
des salariés d’Euro Disney) :
« Lorsque le port d’une tenue de
travail est imposé par des dispositions
législatives ou réglementaires,
par des clauses conventionnelles,
le règlement intérieur ou le
contrat de travail et que l’habillage
et le déshabillage doivent être réalisés
dans l’entreprise ou sur le lieu
de travail, le temps nécessaire aux
opérations d’habillage ou de déshabillage
fait l’objetde contreparties,
soit sous forme de repos, soit
financières, déterminées par
conventionouaccordcollectifouà
défaut par le contrat de travail »
(ancien article L. 212-4, nouvel
article art. L. 3121-3).
Obligation de négociation
Habillage et déshabillage étaient
donc regardés comme une sujétion
plus que comme du temps de
travail à proprement parler. On
croyait ainsi avoir définitivement
résolu le problème. Il n’en fut
rien, car des voix divergentes
s’élevèrent immédiatementàpropos
de l’obligation de négociation,
les syndicats estimant qu’il
fallait négocier dès que le port
d’une tenue était exigé, les employeurs
soutenant que la négociation
ne s’imposait pas lorsque
le salarié revêtait sa tenue à domicile.
D
ans un premier temps, la
Cour de cassation prit un raccourci
et adopta la thèse des syndicats.
Dans deux arrêts relativement
récents (Cass. soc., 26 janv.
2005, 5 déc. 2007), elle décida qu’à
partir du moment où une tenue
spécifique était obligatoire pour
le personnel, on présumait que
l’habillage se faisait sur le lieu de
travail. Néanmoins, certains employeurs
refusèrent de se tenir
pour battus et laSociété deTransports
Publics de l’Agglomération
Stéphanoise (STAS) vient de leur
apporter la victoire.
Défendant les conducteurs de
bus, trois syndicats réclamaient
des négociations. L’employeur
refusait en soulignant que les
conducteurs, qui prenaient leur
service à 5 heures du matin, arrivaient
au dépôt, portant déjà leur
uniforme et qu’il n’y avait donc
pas de sujétion à compenser. Les
syndicats objectèrent alors qu’il
ne s’agissait pour les salariés que
d’une option : après tout, l’employeur
ne pouvait leur imposer
de s’habiller chez eux, ce qui aurait
été une atteinte à leur liberté
individuelle. Ce faisant, disaientils,
l’employeur les exposait à un
risque car ils pouvaient ainsi être
identifiés commeappartenant à la
STAS en dehors de leur temps de
travail. S’habiller chez soi ne pouvaitdoncqu’êtreun
choixpersonnel.
La cour d’appel de Lyon futelle
sensible à cet argument ou
avait-elle eu vent de la décision
imminente de la Cour de cassation
(son arrêt date du 21 janvier
2005),on ne sait,mais elleaccueillit
favorablement la requête des
syndicats.
Opérant un revirement à 180°,
laCour de cassation décidedésormais
quelanégociationdecontreparties
n’a pas lieu d’être quand
les salariés ne sont pas tenus d’enfiler
ou d’enlever leur uniforme
sur le lieu de travail (Cass. soc.,
26 mars 2008, n° 05-41.476).
(*) Editions Lamy.

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