http://www.lesechos.fr/digital/ARCHIVES/PDF_20080617_LEC/docslib/articlepdf.htm?article=../article/4741381.pdf?journee=PDF_20080617_LEC
Les fours solaires français retrouvent la flamme
Le site de Thémis, près de Font-Romeu, dans les Pyrénées, va tester une nouvelle filière de production d’énergie à partir du soleil.
DE NOTRE ENVOYÉ
SPÉCIAL À FONT ROMEU.
Des dizaines,
des centaines de visiteurs
défilent à leurs pieds
tous les jours. Ecoliers,
retraités, politiques,
scientifiques, lecultedu
soleil retrouve des fidèles
dans les Pyrénées
catalanes.PrèsdeFont-
Romeu, le four solaire
d’Odeillo, comme son
faux frère Thémis, ne
sont plus seulement de
fascinants monuments
« historiques », ilsse relancent
dans le métier.
Le pétrole, devenu
l’ennemi public numéro
un, fait resurgir
des cartons les trésors
d’inventivité déjà imaginés
dans les années
1970. La France
redécouvre la filière
« solaireparconcentration
» qu’elle avait explorée
avec audace, puis oubliée.
Le laboratoire Procédés, Matériaux
et Energie Solaire (Promes)
duCNRS investit lesdeux sites avec
l’ambition de rattraper l’Espagne et
l’Allemagne, les deux seuls pays à
avoir maintenu un effort de recherche
sur le sujet ces dernières
décennies. Le principe n’a pas
changé : un champ de miroirs (héliostats)
suit toute la journée la
course du soleil pour concentrer les
rayons lumineux en un point focal
de 2.500 à 3.000°C sur quelques
dizaines de centimètres de diamètres.
A Odeillo, les chercheurs
ont déjà remis l’énorme four à
double réflexion (63 héliostats) en
état. « Il a surtout fallu réactiver les
outils informatiques qui pilotent
l’installation »,se rappelleGillesFlamant,
le directeur de Promes. Ses
équipes se consacrent à des recherches
sur les matériaux à hautes
performances, laqualitédelasource
de chaleur permettant des expérimentations
inédites. On y teste par
exemple les céramiques du bouclier
qui protégera la futuremission spatiale
americano-européenne aux
abords du soleil. «Odeillo est le seul
four où l’on peut réaliser une combustionparfaitementpropred’unobjet
tout en l’exposant à un flux
d’ions », explique Gabriel Olalde,
responsable du site.
Concenter les rayons lumineux
Aquelqueskilomètresdelà,Thémis
attend patiemment de retrouver un
peu de sa splendeur. Ses 200miroirs
fainéantent, tournés vers le ciel en
quête de sens. Sa tour de béton
devise tristement à 100 m de haut
avec ses « tournesols » indifférents.
Mais après 2010, la centrale solaire
pourrait figurer une nouvelle filière
d’énergie renouvelable. Le CNRS
et ses partenaires comme EDF, Total,
l’Ademe, la région et le département
ont lancé un programme de
6 millions d’euros sur sept ans baptisé
«Pegase »,danslacadredupôle
decompétitivitéDerbi.«Nouscherchons
à améliorer le rendement de la
conversion de l’énergie solaire en
électricité, qui ne dépasse pas les
20-25% actuellement. Nous visons
ici une efficacité de 35%», explique
Gilles Flamant. Son équipe a choisi
pour cela d’appliquer au solaire le
principe des filières à cycles combinés,
bien connu des industriels de
l’énergie. La chaleur du soleil doit
servir à chauffer un premier cycle à
air qui actionne une turbine à gaz.
L’échappement chaud est recyclé
dans un circuit vapeur qui produit
l’électricité, comme dans les centrales
thermiques. Ce double cycle
promet deux foisplus d’efficacité et,
bien sûr, une économie en eau bien
supérieure.
Cette technique implique d’améliorer
l’efficacité de l’absorbeur solaire.
Cet élément capte la chaleur
apportée par la concentration des
rayons et la transfère à l’air. Or
celui-ci est un mauvais fluide caloporteur.
Mêmesouspressionà10atmosphères,
le gaz récupère mal
l’énergie de la paroi de l’absorbeur
solaire. Les chercheurs allemands
ont tentédecontournerleproblème
en augmentant la surface d’échange
entre l’absorbeur et l’air grâce à une
structure en nid d’abeille. Le système
n’a pas convaincu les Français
qui cherchent une autre géométrie.
Le sujet fait l’objet
d’un projet financé par
l’Agence nationale de recherche.
Pour atteindre de meilleures
performances, les
chercheurs veulent monter
en température dans la turbine
à gaz. En bons thermodynamiciens,
ils se rappellent
la leçon du physicien Sadi
Carnot, selon laquelle le rendementcroîtaveclatempérature.
Une manière de compenser
le faible coefficient de
transfert thermique. « Nous
voulons atteindre une température
de fonctionnement de
1.000°Cdans la turbine.Mais
cela suppose une température
des parois de 1.200°C. Or
nous n’avons pas encore les
matériauxpouryparvenir,on
va s’en approcher au fur et à
mesure d’ici quatre à
cinq ans », explique Gilles
Flamant. Son laboratoire
possède des alliages métalliques
qui tiennent à plus de
800°C. L’air atteint dans ces conditions
une température de 750°C, et
sa détente n’est pas assez puissante
pour entretenir une turbine. Pour
combler la différence de température,
lelaboratoireaeul’idéed’assister
la turbine avec une chambre de
combustion classique fonctionnant
avec un peu de gaz. Ce système
hybride a aussi lemérite de lisser les
variations d’ensoleillement.
Stocker la chaleur
Le démonstrateur ne testera que la
première boucle thermique, spécificité
solaire de ce projet. Il produira
1,4 mégawatt, une puissance modeste
qui correspond à son objectif
de recherche. La moitié de ses miroirs
ne sera d’ailleurs pas affectée à
Pégasemais produira de l’électricité
pour le réseau grâce des cellules
photovoltaïques de nouvelle génération
dite par concentration.
La recherche progresse sur un
autre front complémentaire, celui
du stockage de la chaleur. L’Espagne
s’est dotée d’une technologie
de sels fondus qui conservent des
températures de 200°Cà 500°C plusieurs
heures. Le projet de centrale
de 50 mégawatts près de Grenade
pourra ainsi alimenter le réseau en
continu, même de nuit. Le laboratoire
français travaille sur une autre
filière de stockage chimique. De
l’oxyde de zinc accumule de la chaleursousforme
dezincmétal, lequel
relâchedel’énergieàlademandeen
sens inverse. Pour les partisans du
solaire concentré, c’estunatout face
àd’autres sources énergies renouvelables
difficiles à stocker comme
l’éolien ou le photovoltaïque.
MATTHIEU QUIRET
Thémis
− Emplacement : Targasonne
(Pyrénées-Orientales).
− Centrale à réfléchissement simple.
− Plus de 200 héliostats à l’origine.
− Température maximale : 3.000°C.
−Mise en service : début des
années 1980.
− Redémarrage : 2010.
− Expérimentations prévues :
génération de puissance.
− Puissance anticipée : 1,6 mégawatt.
Odeillo
− Emplacement : Odeillo
(Pyrénées-Orientales).
− Centrale à double réfléchissement.
− Température maximale : 3.000°C.
− Une soixantaine d’héliostats.
−Mise en service : fin des
années 1960.
− Expérimentations : matériaux,
stockage, concentration solaire.
Puissance actuelle : 1 mégawatt
mardi 17 juin 2008
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