mercredi 4 juin 2008

Reach oblige les PME de la chimie à se réinventer

http://www.lesechos.fr/digital/ARCHIVES/PDF_20080604_LEC/docslib/articlepdf.htm?article=../article/4735689.pdf?journee=PDF_20080604_LEC

Reach oblige les PME de la chimie à se réinventer

Le règlement européen, qui vise à traquer les substances dangereuses, entre dans sa phase opérationnelle.


Rassurer les consommateurs. Tel estlebutultime du règlement européen
Reach, qui impose l’enregistrement,
l’évaluation et l’autorisation
des substances chimiques. En
vigueur depuis un an, il a amorcé
ce 1er juin sa phase opérationnelle
prévue pour s’achever fin mai
2018. Producteurs et importateursdecesmatièrespremièresau
sein de l’Union européenne sont
invités à les préenregistrer auprès
de l’European ChemicalsAgency
(Echa) à Helsinki, au plus tard le
1er décembre prochain. «Cette
étape est essentielle, même si elle
n’est pas obligatoire. Nous la recommandons
fortement », insiste
Jean Pelin, directeur général de
l’Union des industries chimiques
(UIC).
Quelque 30.000 substances,
dont le volume annuel est supérieur
à une tonne, vont ainsi être
passées au crible.Objectif :mieux
connaître leurs propriétés physico-
chimiques, toxicologiques et
éco-toxicologiques pour en maîtriser
les dangers intrinsèques et
les risques liés à leur usage. En
ligne de mire, environ 2.000 substances
qualifiées d’extrêmement
préoccupantes comme les
CMR1&2 (cancérogènes,mutagènes
et toxiques pour la reproduction),
les PBT (persistantes,
bioaccumulables et toxiques) et
les vPvB (très persistantes et très
bioaccumulables) feront l’objet
d’une procédure d’autorisation
ou d’interdiction. Obtenir le feu
vert de Bruxelles suppose d’avoir
démontré que les risques associés
à l’utilisation de la substance étudiée
sont valablement maîtrisés
ou, dans le cas contraire, que les
avantages socio-économiques
l’emportent sur les risques et
qu’aucune solution de substitution
n’est envisageable.
Plus en aval dans la chaîne,
certains formulateurs de matières
premières chimiques, qui les utilisent
pour fabriquer des produits
intermédiairesoufinis,ontpris les
devants. A l’instar de la société
Blanchon, créée en 1832, qui formule
des peintures et des vernis
pour laprotection et la décoration
du bois. « Nous travaillons depuis
cinq ans sur ce point et nous utilisons
aujourd’hui deux fois moins
de matières premières, sans aucune
perte de performance », explique
Jacques Chatenet, directeur
techniquede l’entreprise.Par
exemple, la société ad’ores etdéjà
supprimé toute trace d’éthers de
glycol,quifontpartiede la catégorie
des substances dites CMR.
« Aujourd’hui, nous réalisons
35% de notre chiffre d’affaires
avec des références commercialisées
depuis moins de trois ans.
Dans notre portefeuille, les produits
enphase aqueuse remplacent
très rapidement ceux à base de
solvants traditionnels », préciset-
il. « Le surcoût inhérent aux exigences
de Reach fait aujourd’hui
partie du coût de développement
de nos nouveaux produits. »
Même stratégie pour Condat,
spécialisé dans la fabrication de
lubrifiants de différents types tels
que les huiles, les graisses, les
savons, les émulsions, les
mousses, etc. « Notre avons rationalisé
le nombre de matières premières,
qui a chuté de 50%en sept
ans », explique Laetitia Chauvy,
ingénieure chargée des affaires
réglementaires pour le groupe.
Mais, prévient-elle, « cette diminution
va aussi être un frein à
l’innovation, car il y auramoins de
produits disponibles ».
Une incitation à innover
Dorénavant, traquer les substances
dangereuses devient le
quotidien des laboratoires de recherche
et développement des
PME de la chimie. « Reach et la
chasse aux CMR nous poussent
évidemment à innover. Mais, aujourd’hui,
ces deux priorités sont
étroitement imbriquées et certains
produits ne devront pas être enregistrés,
autant pour des raisons
économiques que de santé publique
», estime Olivier Bataille,
directeur d’usine chez Sicomin,
une entreprise qui formule des
systèmes époxy entrant dans la
fabrication de pièces composites
pour les bateaux, les articles de
sport, les pales d’éoliennes, ou
encore l’industrie automobile.
Depuis la suppression des chlorofluorocarbures
(CFC) en 1995,
la société Avantec, qui réalisait
auparavant les deux tiers de ses
ventes avec lesCFC, est rodée à la
mise aupoint de produits de substitution.
« L’innovation et le changement
lié à la protection de l’utilisateur
ou de l’environnement sont
devenus un état d’esprit.Nous lançons
en moyenne sur toutes les
gammes un nouveau produit
chaque mois », souligne Patrice
Rollet, directeur général de cette
société qui développe des formulations
exclusives entrant dans la
fabrication de circuits électroniques,
de montres de luxe, de
prothèses médicales, de panneaux
d’isolation en mousse expansée,
etc. Mais la substitution
ne s’improvise pas : « Il faut du
temps, car le changement d’une
substance parmi quinze autres
exige de rééquilibrer toute la formule
chimique. Il nécessite aussi
des tests client grandeur nature
souvent longs et coûteux », insiste
Patrice Rollet. Prochaine étape
cruciale, le bilan de la phase de
préenregistrement, qui prend fin
le 1er décembre 2008. Commencera
alors la phase d’enregistrement
obligatoire.
CHANTAL HOUZELLE
Les étapes clefs de Reach
− Effectif depuis un an, REACH,
qui institue une nouvelle politique
en matière de contrôle des
substances chimiques, a été
proposé par la Commission
européenne le 29 octobre 2003.
−Le texte final a été voté par le
Parlement européen le 13 décembre
2006, puis adopté à l’unanimité
par le Conseil de l’Environnement.
−Dans un même système, Reach
intégrera immédiatement les
nouvelles substances et, de façon
progressive, sur une période de onze
ans, les composés existants en
fonction de leur volume.
− Chaque dossier transmis à
l’Agence européenne à Helsinki doit
intégrer toutes les informations
relatives aux propriétés physicochimiques,
toxicologiques
et éco-toxicologiques d’une
substance, ainsi qu’une évaluation
des risques pour la santé et
l’environnement, pour toutes
ses utilisations et tout au long
du cycle de vie du produit.

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