jeudi 26 mars 2009

Les alchimistes du CO2 sortent de l’ombre

http://www.lesechos.fr/digital/ARCHIVES/PDF_20090324_LEC/docslib/articlepdf.htm?article=../article/4845261.pdf?journee=PDF_20090324_LEC
Les alchimistes du CO2 sortent de l’ombre

Ils ne sont encore qu’une poignée de chercheurs, noyés dans
la fourmilière scientifique du
Sandia National Laboratories, haut
lieu de la recherche nucléaire américaine.
Ils n’attendent aucun débouché
avantvingt ans.Touslesinvestisseursàrisquequibraventl’isolement
du Nouveau-Mexique pour leur
rendre visite tournent poliment les
talons. Quant à leurs financements
publics, ils sont menacés de baisse
pour cette année. Mais l’équipe du
chercheur Rich Diver a retrouvé
l’optimisme depuis quelques mois.
Grâceà l’électiond’Obama et àe ses
prises de position sur le CO2, leurs
travaux sur la valorisation chimique
du gaz carbonique ont retrouvé du
crédit. Et dans quelques jours, leurs
recherches vont enfin se concrétiser
après cinq ans de laboratoire. Un
premier prototype entamera des essaisdanslecentre
d’essaissolairesde
Sandia.
Hardiesse du projet
Lepetitpasesttoutefoisinfimefaceà
la hardiesse du projet, qui propose
rien de moins que résoudre le réchauffement
climatique et la dépendance
énergétique des Américains.
« Ilyacinqans,Rickacommencé sur
un coin de table, puis quelques chercheurs
l’ont épaulé peu à peu », explique
JamesMiller, le chimiste du
projet.Nous avons fait desmodélisals
ne sont encore qu’une poiIgnée
de chercheurs, noyés dans desmodélisations,
testéchaquepièceséparément et
nous pensons aujourd’hui pouvoir
prouver notre concept. » Ces pionniers
rêvent de transformer directement
l’énergie solaire en carburant.
Leur argument : la photoréduction,
une réaction thermochimique
simple en apparence. Elle consiste à
utiliser la chaleur solaire pour casser
la molécule de CO2 et récupérer du
monoxydedecarboneCO.Enparallèle,
lamême source d’énergie peut
servir à casser une molécule d’eau
H2O en hydrogène H2. A partir
d’hydrogèneetdemonoxydedecarbone,
c’est un jeu d’enfant pour les
chimistes de synthétiser des chaînes
d’hydrocarbures. En clair, il s’agit
d’inverserleprocessusdelacombustion
du pétrole qui aboutit au CO2.
Certains procédés existent aujourd’hui
pour le faire, mais ils nécessitent
plusieurs étapes qui grèvent à
chaque fois lerendement global.On
peut transformer la lumière en électricité,
puis l’utiliser pour casser les
molécules d’eau en hydrogène.
D’autres voies thermochimiques ou
biologiques permettent d’exploiter
la biomasse produite à partir de la
photosynthèse et d’en tirer des biocarburants.
Lamachineinventéepar
l’équipede Sandiajoue, elle, la rupture
technologique. La lumière est
concentrée par une énorme parabole
de 80 mètres carrés vers un
bulbeenverre.Derrière le bulbe,un
caisson demoins d’unmètre de long
abrite un empilement de disques en
rotation, dont chaque tranche comporte
un catalyseur d’oxyde métallique.
Lorsque les tranches passent
devant le bulbe de verre, ellesmontent
à plusieursmilliers de degrés de
température. L’oxyde brûlant relâche
dans le bulbe des molécules
d’O2 qui sont évacuées vers l’extérieur.
Par rotation, les tranches transitent
vers une chambre froide (non
exposéeausoleil)alimentéeenCO2.
L’oxyde cherche alors à récupérer
ses atomes d’oxygène auprès du gaz
carbonique,quidevientdoncdumonoxyde
de carbone. La rotation des
disques étant permanente, les
tranches des disques de céramique
passentalternativementd’unephase
chaudeàunephasefroide,convertissantàchaquefoisunefractiondugaz
carbonique.Lemême cycle sur l’eau
peut être effectué en parallèle sur
une autremachine pourproduire de
l’hydrogène, ou en alternance sur le
même appareil.
Augmenter le rendement
L’équipe de Sandia espère obtenir
sur ce prototype des performances
allant jusqu’à la centaine de litres
de COpar heure.Un travail considérable
restera à faire pour vérifier
la durabilité du concept et améliorer
le rendement de départ, calculé
à 2 ou 3%, c’est-à-dire la proportion
de l’énergie solaire transformée
en énergie chimique. « Nous
espérons l’augmenter à 10%», précise
James Miller. Soit quasiment
l’efficacité de la photosynthèse végétale.
Pour cela, les chercheurs
travailleront par exemple sur la
nature du catalyseur ou sur la
forme des tranchesproduites àpartir
de poudre d’oxyde. Tout le jeu
est de donner un maximum de
porosité au matériau par une géométrie
3D complexe, permettant
d’augmenter la surface de réaction
chimique.
Pour le chercheur,
le projet a
le mérite de rester
réaliste : « La
Californie s’emballe
actuellement
pour des
approches plus
sophistiquées encore.
Beaucoup
d’argent finance
ces laboratoires
qui cherchent à
reproduire la
photosynthèse
sur des puces de
silicium ou biologiquement
.
Notreprocédéest
plus “rustique”
mais plus réaliste.
»
MATTHIEU QUIRET

CO2 en
carburant grâce au soleil.

Une équipe américaine va
tester la transformation
directe du CO2 Du soleil au carburant : une voie futuriste de synthèse

Le laboratoire américain de Sandia
va tester une machine
à transformer le CO2.
Randy Montoya/Sandia
La chaleur solaire est utilisée pour casser la molécule de CO2 et récupérer du monoxyde de carbone.

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