jeudi 26 mars 2009

Maritime : une route arctique est envisageable vers l’Asie

http://www.lesechos.fr/digital/ARCHIVES/PDF_20090324_LEC/docslib/articlepdf.htm?article=../article/4843725.pdf?journee=PDF_20090324_LEC

Maritime : une route arctique est envisageable vers l’Asie

L’ouverture de routes maritimes
arctiques régulières n’est plus une
vue de l’esprit. Des climatologues
ont montré qu’il était devenu possible
depuis la fin 2008 de faire le
tour de l’océan glacial arctique
toute l’année sans trop de risques.
«L’ouverture de lignes régulièresde
conteneurs devient envisageable à
court terme, d’ici à 2012, par la voie
nord est pour les flux de marchandises
conteneurisés Europe-Asie »,
affirmeJérômeVerny,professeurà
l’ESC de Rouen, spécialiste des
questions de transport et de logistique.
Cette « route duNord-Est », qui
suitlescôtes russessibériennes,puis
passe par le détroit de Bering, est
déjà ponctuellement empruntée
par des navires de minerais ou de
gaz. Elle pourrait désormais recevoir
des lignes régulières partant
des ports d’Europe du Nord et
allant jusqu’aux ports japonais, coréensetjusqu’àShanghai.
Cetitinéraire
permettrait de gagner dix
jours de navigation et son parcours
économiseraituntiersdemilesnautiques
par rapport au trajet classique
(environ 7.500 miles, contre
10.000 par le canal de Suez). Les
plus grands armateurs européens
l’auraientdéjàmiseàl’étude.Cequi
n’empêche pas Eudes Riblier, présidentd’ArmateursdeFrance,
d’estimer
qu’il « est trop tôt pour se
prononcer sur le sujet, car on
manque de visibilité sur le nombre
de jours où cette route serait réellement
utilisable dans une année. Il
n’est pas concevable qu’une ligne
régulièreutiliselarouteduNordune
partie de l’année et celle du Sud une
autre partie. Les chargeurs ont besoin
de régularité.Ceprojetpourrait
convenir aux activités de « tramping
» (transport à la demande), au
moins dans un premier temps. »
Jérôme Verny mène depuis un
an des travaux sur la faisabilité
économique d’une ligne maritime
empruntantcette voie.Cette étude,
basée sur des taux de fret de la fin
de 2008, a montré que le coût unitaire
d’un conteneur empruntant
cette voie arctique ne serait pas
irréaliste :elle évaluesoncoûtentre
2.500 et 2.800 dollars, à comparer
avec les 1.400 à 1.800 dollars à la
même époque d’un conteneur empruntant
« la voie royale » passant
par le canal de Suez. Même si les
taux de fret de cette route usuelle
ont ponctuellement baissé avec la
crise économique, pour Jérôme
Verny une reprise économique relançant
la demande auprès des armateurs
ne pourrait que rapprocher
à terme les coûts de transport
desdeux voiesmaritimes.D’autant
que le canal de Suez doit prévoir
dans les années à venir d’importants
travaux d’élargissement et de
dragageetquecettevoieestaujourd’hui
pénalisée par la piraterie, qui
oblige une partie des armateurs à
faire ledétourpar lecapdeBonne-
Espérance et àsubir l’explosiondes
primes d’assurances.
Surcoûts
L’étudedirigéepar JérômeVernya
pris en compte tous les surcoûts
générés par la route du Nord-Est.
Le principal est l’obligation d’emprunter
ledétroitdeSannikovsurla
côte sibérienne, un goulet d’étranglement
qui limite la capacité des
navires à 4.000 EVP et donc l’intérêt
d’un transport massifié. Sur
cette route peu connue, les équipages
renforcés devraient aussi réduirela
vitessemoyenne (14noeuds
au lieu de 20-22 par Suez). Les
bateaux devraient être équipés
d’une coque renforcée, ce qui représenterait
un impact négatif de
dépréciation des navires. Les assurances
seraient aussiplus élevées et
lesRussesprélèveraientundroitde
passage, qui a été évalué avec la
Northern Sea Route Authority
(NSRA)miseenplaceparMoscou
pour contrôler et gérer ce nouveau
passage. Pourtant, en tenant
compte del’ensembledeceshandicaps,
quisontcontrebalancésparun
temps de parcours inférieur et une
consommation réduite, « la bonne
surprise de notre étude a été de
montrer que le différentiel de coût
pour un conteneur serait d’à peine
du double par rapport à la voie
royale »,indiqueJérômeVerny,qui
souligne que, sans avoir étudié précisément
ledossier, certains spécialistes
évoquaient un surcoût allant
d’un rapport de 1 à 10.
La routeduNordest communément
appelée « route maritime
Nord» parce qu’elle paraîtàbeaucoup
de spécialistes comme la plus
vraisemblable. L’autre route arctique
souvent évoquée, celle du
Nord-Ouest, traversant les îles
nord-canadiennes pour atteindre
les ports ouest-américains, se trouverait
en concurrence avec la voie
du canal de Panama dans l’élargissement
duquel les Etats-Unis ont
réalisé d’importants investissements
et avec les voies ferrées très
massifiées entre l’Est et l’Ouest
américain. En revanche la voie du
Nord-Est n’aurait de concurrence
terrestre que le transibérien, qui a
certes l’ambition d’augmenter son
traficdefret,maisdont les capacités
(400.000 EVP en 2012) resteront
marginales par rapport au maritime.
Pour traverser l’Arctique,qui est
en même temps un gisement de
ressources sous-marines, il reste
aussi des incertitudes géopolitiques
à lever. Les pays riverains (Russie,
Etats-Unis, Canada, Norvège, Danemark),
qui se rencontrent depuis
plusieurs mois dans un Conseil de
l’Arctique, ont entamé des discussions
politiques sur le contrôle et le
statut, surlestechniques,lessecours
etdépannagesdansceszonesdésertiques
ou encore les guidages satellites…
Sans compter les risques de
pollution à contenir qui pourraient
ruiner vis-à-vis de l’environnement
les économies de CO2 réalisées.
O. N.

Un des paradoxes du réchauffement
climatique est qu’il offre
une opportunité d’économiser
du carburant et donc des émissions
de CO2 en raccourcissant
les routes maritimes entre l’Europe
et l’Asie.

Route du Nord-Est
7.700 milles nautiques
18-20 jours

Route royale
10.200 milles nautiques
28-30 jours

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