http://www.lesechos.fr/digital/ARCHIVES/PDF_20080423_LEC/docslib/articlepdf.htm?article=../article/4718337.pdf?journee=PDF_20080423_LEC
Le petaflops en ligne de mire des calculateurs
Les constructeurs et les centres de calcul se préparent au franchissement de la barrière prestigieuse du million de milliards d’instructions par seconde.
La course au petaflops a commencé. D’ici un an, les Etats-Unis devraient
installer le premier exemplaire
mondial de ce nouvel étalon du
calcul intensif. La prochaine génération
de supercalculateurs
donne le vertige : un million de
milliards d’instructions à la seconde.
Le gain en puissance allèche
tous les chercheurs désireux
de simuler des essais
nucléaires, de peser dans les négociations
climatiques ou de participer
à l’aventure de la biologie
moléculaire. Déjà les machines
actuelles atteignent des performances
inimaginables pour un
utilisateur de PC. Quand elles
effectuent une simulation en
deuxmois de calcul, il faudrait un
millénaire pour y parvenir à domicile.
Si le franchissement du petaflops
reste une question de prestige,
les constructeurs comme
IBM, HP ou Bull travaillent déjà
bien au-delà. « Personne ne parle
plus du petaflops mais de machines
pétaflopiques car les progrès
vont de plus en plus vite »,
explique Jean Gonnord, chef du
projet simulation numérique et
informatiqueauCEA.Chez IBM
France,DanielChaffraix s’attend
à ce que les puissances atteignent
plusieurs petaflops d’ici à cinq
ans.
Un travail en parallèle
Cette évolution s’explique par la
forte modularité des nouvelles
machines. « On gagne aujourd’hui
de la puissance en multipliant
le nombre de processeurs
travaillant en parallèle, non plus
enaugmentant la fréquenced’horloge
des processeurs. Cette dernière
stagne autour de 6 gigahertz
car la miniaturisation des puces
rend très difficile la dissipation de
la chaleur », explique Gérard
Roucairol, directeur scientifique
de Bull. L’augmentation de puissance
passe désormais par la
connexion de puces de plus en
plus nombreuses. Pour atteindre
la performance pétaflopique, les
constructeurs envisagent de faire
travailler en parallèle des centaines
de milliers de processeurs
connectés à desmémoires se chiffrant
en petabytes de disques
durs. L’effort de recherche et développement
porte donc moins
sur les briques élémentaires
comme les processeurs que sur
l’architecture très modulaire.
« Les progrès de la première génération
téraflopique au début des
années 2000 reposaient encore sur
la puissance des processeurs. La
génération suivante, vers 2005, a
dû résoudre le problème du débit
d’échange de données entre les
processeurs et les mémoires. Le
défi de la machine pétaflopique
concerne cette fois la gestion de la
puissance thermique », estime
Jean Gonnord. Ces armées de
processeurs engloutissent déjà
dans les machines actuelles des
centaines de kilowatts en climatisation.
Le CEA a donc prévu
pour le futur centre français pétaflopique
de tirer une ligne électrique
de 25 mégawatts. Les
constructeurs rivalisent d’imagination
pour tenter de limiter les
vertigineuses factures électriques
de leurs clients. Bull propose sur
ses nouvelles unités de 100 téraflops
des armoires dont les parois
sont refroidies par eau. La climatisation
actuelle par air pulsé impliquerait
des vents trop violents.
Les ingénieurs travaillent aussi
sur des solutions logicielles qui
réduiraient le fonctionnement
de chaque processeur quand le
calcul le permet.
PourGérard Roucairol, le défi
technologique des puissances pétaflopiques
tient tout autant à
l’écriture du logiciel de base de la
machine. Celui-ci doit gérer de
façon extrêmement synchrone le
fonctionnement de tous les processeurs
et des mémoires. C’est
pourquoi la conception du logiciel
est étroitement liée à la taille
des grappes de calcul.Comme les
calculateurs augmentent parmodularité,
les logiciels deviennent
un frein à la croissance. « Nous
cherchons donc à éditer des logiciels
capables de gérer différentes
échelles », justifie le directeur
scientifique.
Pour atteindre ces objectifs,
Bull estime très vaguement devoir
dépenser quelques centaines
de millions à un milliard d’euros
sur troisans enR&D.D’aprèsun
expert, cet effort estdix fois supérieur
chez IBM. Car, contrairement
au constructeur américain,
Bull ne produit pas ses propres
puces mais se fournit chez Intel.
Les logiciels du français sont également
moins coûteux car ils reposent
sur des solutions libres de
droit comme Linux.
Au final, le prix du ticket d’entrée
de la génération pétaflopique
devrait atteindre au début
une centaine de millions d’euros
puis rapidement diminuer à
50 millions d’euros. Cela va encorerenforcer
lalogiquedegrand
équipement de recherche que
sont devenus les calculateurs.
Création d’un réseau européen
A tel point que les laboratoires
européens ont décidé de s’unir
pour rester dans la course mondiale.
Quatorze pays viennent de
lancer l’initiative (Prace Partnership
for Advanced Computing in
Europe), financée à hauteur de
20 millions d’euros par le 7e programme
cadre. Ce projet doit
préparer pendant deux ans la
création d’unréseau européen de
3 à 5 calculateurs pétaflopiques
connectés entre eux. Cinq pays
sont candidats pour les accueillir.
La France s’organise pour obtenir
après 2010 un tel calculateur.
Le CEAet le CNRS se sont mis
d’accord pour défendre une candidature
commune sur le site de
Bruyères-le-Châtel (Essonne).
Les scientifiques se positionnent
de deux manières. La plupart
des chercheurs, comme au
CNRS, comptent acquérir un calculateur
sur étagère mais souhaitent
par contre participer à la
mise au point des logiciels environnants.
Du côté du CEA, de Bull et de
l’Etat, l’ambition est supérieure
puisqu’il s’agirait de développer
en France une capacité technologique
autour des supercalculateurs.
Jean Gonnord explique
que le centre de Bruyères-le-
Châtel comprend 600 experts de
la simulation dont une centaine
sont spécialisés sur les machines
elles-mêmes. « C’est la plus
grande équipe en Europe », assure-
t-il. Le CEA a développé ce
savoir-faire dans le cadre du bien
doté programme de simulation
nucléaire. La branche militaire
duCEA,laDirectiondesapplications
militaires (DAM), renouvelle
régulièrement son calculateur
auprès de constructeurs en
exigeant de partager la recherche
et développement et la propriété
intellectuelle qui en découle. En
2000, le Commissariat acquiert
une machine, Tera-1, d’une puissance
de 1 téraflops.
En 2006, Tera-10 franchit les
60 téraflops.La prochaine remise
à niveau est prévue pour le début
de la décennieprochaine, avec un
Tera-100 de 1 petaflops. L’organisme
a lancé un appel d’offres
européen en janvier, avec un
double objectif. Dans une première
phase de dix-huit mois,
prévue en fin d’année, les ingénieurs
du CEA et ceux du
constructeur lauréat achèveront
le développement de la machine.
Un autre contrat signera alors
l’acquisition du calculateur. La
machine restera fermée aux utilisateurs
civilsmais leCEApromet
de transférer les technologies et
le savoir-faire vers le projet civil.
MATTHIEU QUIRET
mercredi 23 avril 2008
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