mardi 20 mai 2008

Bonne nouvelle,l’économie ralentit !

http://www.lesechos.fr/digital/ARCHIVES/PDF_20080520_LEC/docslib/articlepdf.htm?article=../article/4728272.pdf?journee=PDF_20080520_LEC

LE POINT DE VUE DE SERGE BLANCHARD

Bonne nouvelle,l’économie ralentit !

Le thème de la croissance,ou plutôt de son ralentissement, est au centre de tous les débats.
La récession va-t-elle être profonde
en Europe ? Les fondamentaux
des entreprises sont-ils aussi bons
qu’on le dit ? Les économies des
pays émergents sont-elles une assurance
antirécession ? La gestion
des cycles n’est pas simple car
elle est contre-intuitive. Il faut
fondamentalement gérer les
coûts pendant la phase de croissance.
Et gérer la croissance, en
gains de parts de marché ou en
acquisitions, pendant la contraction
du cycle. Ces réflexes ne sont
pas faciles à acquérir. Même si
l’intérêt des cycles économiques
est que l’histoire se répète.
L’exemple du transport aérien
est particulièrement clair. Des
cycles de dix à douze ans ponctuent
l’évolution des rentabilités
de l’industrie depuis quarante
ans. Air France a magnifiquement
joué le dernier cycle en
achetant le néerlandais KLM, acteur
en bonne santé, enmilieu de
phase haussière. Air France-
KLM a donc pu mener le travail
de rationalisation pendant la fin
de la phase de hausse et arrive
ainsi en sommet decycle avec une
position rationalisée et des cashflows
solides. Le transport aérien
est un cas classique. Néanmoins,
dans la plupart des industries, les
entreprisesmontrent une composante
cyclique qui ne doit pas être
ignorée. Cette composante
constitue en effet un levier stratégique
puissant. Quand le cycle se
retourne, les capacités se libèrent,
les prix se tendent. La concurrence
se renforce. Nombre de
concurrents considèrent que la
meilleure attitude est de faire le
gros dos en attendant des jours
meilleurs. Ceci est la plus grave
erreur. Ne pas bouger est le meilleur
moyen de ne pas survivre.
Les concurrents immobiles sont
les meilleures cibles. La phase
descendante est une phase difficile.
Néanmoins c’est là que tout
se décide. L’agenda est chargé.
D’abord, il faut ajuster la capacité
le plus tôt possible. Ce qui
constitue probablement la décision
la plus complexe. Dans
l’idéal, l’ajustement doit être
mené avant le retournement du
cycledemanièreà limiter la surcapacité.
Lechoix logiqueestd’ajuster
la capacité disponible le plus
fortement possible en début de
retournement. Il vaut mieux
prendre le risque d’avoir à recourir
à la sous-traitance que celui
d’avoir à gérer une surcapacité
chronique pendant plusieurs années
sur un marché déprimé.
Ensuite, il s’agit de cibler les
concurrents, en commençant par
ceux qui ne sont pas à l’aise sur le
terrain des baisses de prix. Ils ont
généralement des gammes larges.
Ilsont investi en surqualité. Ils ont
une politique de service généreuse.
Ces concurrents-là sont
vulnérables.Illeur seradifficilede
changer de réflexe. Il faut poursuivre
en ciblant les concurrents
qui ont des objectifs financiers
élevés, structurellement ou culturellement.
Pour ces concurrentslà,
il sera difficile de suivre les
nouvelles exigences de leurs
clients. Et il faut aussi cibler les
concurrents non focalisés. L’absence
de focalisation est une faute
fatale en phase de baisse de cycle.
Les leaders globaux à offre large
couvrant tout le marché sont une
cible idéale.
Troisième axe d’action en cycle
descendant : adapter l’offre. En
phase ascendante, les concurrents
investissent pour se différencier
en largeur de gamme, en niveau
de qualité, en niveau de service. Il
estessentiel de comprendrece qui
est vraiment important pour les
clients dans le cadre de leur activité.
Ces analyses se traduisent
souvent par un « nettoyage » des
politiques commerciales, opération
à mener à bien de manière
différenciée par segments.
Il faut aussi inventer ou redéfinir
les approches « low-cost ».
C’estpendant laphasede contraction
qu’une partie des segments
traditionnels bascule en « lowcost
». Il est essentiel d’anticiper
cette évolution afin d’être prêt à
récupérer le caséchéant cettepartie
de la demande en formulant
une offre adaptée, plutôt qu’en
baissant les prix sur l’ensemble du
segment traditionnel.
Quatrième direction : développer
les partenariats. Les phases
descendantes sont le terrain des
approches ciblées. Il est indispensable
que la base de coût ait été
nettoyée, et ceci pendant la phase
montante, durant laquelle l’exécution
des programmes d’économies
est relativement moins douloureuse.
Enclencher les
programmes de réduction de
coûts en période descendante est
eneffet toujoursplusonéreux.En
revanche, c’est la phase privilégiée
des partenariats, et en premier
lieu celui des partenariats
commerciaux. Il s’agit d’étudier
les autres fournisseurs avec lesquels
une approche commune
peut créer de la valeur pour le
client final.
Cinquième piste, aller chercher
la croissance où elle se trouve. Le
cycle se contracte rarement sur
toutes les industries et sur tous les
lieux en même temps. Cela
semble évident. Mais le premier
réflexe est souvent de limiter les
efforts d’exploration quand, au
contraire, il faut les renforcer. La
concurrence sera moins forte sur
les nouveaux territoires.
Sixième levier : anticiper la
consolidation du marché, mais
pas immédiatement. Les rentabilités
de l’industrie sont sous pression.
Cettephase vadurerdix-huit
mois, peut-être davantage. Il faut
soigneusement observer les manoeuvres
de regroupement. Rien
ne presse. Il ne faut pas, autant
que faire se peut, se trouver pris
dans une lourde opération de restructuration
en début de retournement.
La vertu de l’attente est
fondamentale. Et la taille n’est
plusunfrein.Lesdernières opérations,
dans le domaine bancaire
ou le domaine agroalimentaire,
ont montré que des groupements
astucieux pouvaient réaliser des
opérations que la communauté
décrivait comme hors de portée
pour chacun d’eux. La phase descendante
est celle des opportunités
uniques. L’entreprise doit absolument
avoir sapleinelibertéde
manoeuvre pour les exploiter.
Enfin, il faut acélérer quand les
marchés ralentissent.Lesagendas
étaient chargés pendant la période
d’euphorie. Ils vont l’être
plus encore pendant la phase descendante
du cycle.Lesopportunités
de modifier les équilibres
concurrentiels de manière fondamentale
sontmaintenant à portée
de main. Il faut déployer la plus
grande attention pour exploiter
ces opportunités-là au mieux.
Elles ne reviendront pas avant la
prochaine contraction du cycle.
SERGE BLANCHARD est
vice-président d’Estin & Co.

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