http://www.lesechos.fr/digital/ARCHIVES/PDF_20090302_LEC/docslib/articlepdf.htm?article=../article/4836488.pdf?journee=PDF_20090302_LEC
Une tour àénergie positive pour un coût compétitif
DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE À DIJON.
Erigée au centre de Dijon,
encerclée par le palais des congrès, l’auditorium, la
chambre de commerce et d’industrie
(CCI) et le conseil général, qui
forment commeun écrin de béton,
la tour Elithis attire le regard par
son architecture originale au design
ovoïde. A première vue, rien
ne laisse entrevoir que ce bâtiment
dedix étages abriteuneexpérience
inédite en France en matière
d’énergie positive. «C’est d’abord
un projet qui repose sur les trois
piliers du développement durable,
c’est-à-dire l’environnement, l’économie
et le social », souligneThierry
Bièvre, directeur général d’Elithis
Ingénierie, maître d’ouvrage et
concepteur du projet.
Pourquoi cette tour expérimentale
est-elle sortie de terre à cet
endroit ? Si elle est aujourd’hui une
vitrine pour la société et, par ricochet,
pour la capitale bourguignonne,
« l’objectif initial n’était pas
de démontrer de manière ostensible
nos savoir-faire. Nous cherchions
simplement lemoyen d’exprimer un
ras-le-bol du rôle de l’ingénieur en
France, qui est cantonné à la résolution
des problèmes et auquel on ne
demande plus de créer », estime
Thierry Bièvre. Selon lui, la segmentation
et le cloisonnement qui
existent dans les métiers de la
constructionsont de nature à empêcherlaréalisationdebâtimentsréellement
à haute qualité environnementale
(HQE).
Un projet plutôt futuriste
C’estaniméedecetétatd’espritque
l’équipe d’Elithis a décidé de passer
àl’actionen 2006.Mission : démontrer
qu’un nouveau bâtiment tertiaire
peut combiner les critères du
développement durable aux économies
d’énergie strictement au
même coût qu’une construction
standard. Bien que premier opérateur
local dans sa spécialité, la
conceptiond’installationsdefluides
techniques pour le bâtiment, cette
ingénierie est peu connue des élus
de la ville lorsqu’elle les sollicite
pour leur présenter ce projet plutôt
futuriste. Les politiques locaux sont
unpeuinterloquésparlesdirigeants
de cette PME qui viennent leur
demander « un terrain bien situé, au
coeur de la cité et pas dans une zone
d’activité périphérique, pour
construire un bâtiment qui deviendra,
espèrent-ils, une vitrine de technologies
et de savoir-faire mais,
surtout, de changement comportemental
», insiste Thierry Bièvre.
Après moult échanges et tergiversations,
qui n’auront in fine duré
que deux mois grâce au soutien du
sénateur-maire de Dijon, le socialiste
FrançoisRebsamen,« onnous
a montré un tout petit terrain de
690mètres carrés, sans avoir la certitudequ’onnous
autoriseraità bâtir à
cet endroit déjà très densifié », se
souvient Thierry Bièvre qui eut,
néanmoins, le déclic : « Ce sera ici,
sinon jem’en vais. » Si étroit soit-il,
cet emplacement cumulait pour lui
tous les avantages requis : la proximité
du centre-ville pour faciliter la
vie sociale, un parking souterrain
existant à quelques dizaines de
mètres et un projet de tramway
doublant la ligne de bus qui passe
juste devant l’immeuble, afin de
limiter les déplacements individuels.
1.400 euros au mètre carré
Pour concrétiser son projet, qu’il
imagine comme un objet plutôt
qu’un bâtiment, le directeur général
d’Elithis contacte un designer,
Philippe Starck, un architecte designer,
Jean-Michel Vilmotte, et un
architecte, Jean-Marie Charpentier.
C’est ce dernier, sur les lieux
trois jours plus tard, qui lui dira :
« Ce bâtiment, vous allez le faire et
c’estpourmoi », après avoir écouté
l’exposé du projet et observé le
terrain. « J’ai crayonné une petite
maquette sur place où j’ai posé
comme un diamant au milieu des
gros bâtiments qui ont un impact
bourratif à l’échelle de la ville »,
raconte Jean-Marie Charpentier.
« Que ce soit à Dijon ou ailleurs
dans le monde, nous sommes partants
dèsquenous pouvons apporter
notre pierre à une expérience
environnementale », ajoutelePDG
fondateur de l’agence Arte Charpentier.
Trois ans plus tard, Elithis a
gagné la première bataille de son
combat contre les idées reçues en
matière de développement durable.
Inaugurée le 2 avril prochain,
actuellement en cours de
finition, cette tour est bel et bien
debout sans avoir englouti un budget
pléthorique. Elle a coûté
1.400 euros (HT) au mètre carré,
soit le même prix qu’un bâtiment
standard qui consomme 220 kWh
par mètre carré et par an. Pour ne
pasdépasser leplafondfixé à 7millionsd’euros,
la technologien’a pas
été poussée à l’extrême, mais
toutes les astuces techniques possibles
et imaginables ont été mises
enoeuvre. « C’est ça aussi la révolution.
On voudrait que les politiques
entendent enfin que les économies
d’énergie sont possibles sans
grandes dépenses », insiste Thierry
Bièvre.
Reste que l’expérimentation en
grandeur nature va démarrer. A
partir du 31mars, date de livraison
de l’ouvrage, se jouera le second
acte du pari d’Elithis.«Au-delà de
la technologie, on est en train d’examiner
comment le comportement
humain va pouvoir s’associer à la
matrice environnementale du bâtiment
pour essayer de le rendre plus
performant », précise-t-il. A commencer
par les 75 collaborateursde
cette ingénierie qui, actuellement
entassés dans des bureaux proches
de la gare, pourront prendre leur
aise dans les quatre derniers étages
de « leur » tour, suivis par la délégation
régionale de l’Ademe, qui
occupera le quatrième étage dès le
1er mai.
Autrement dit, ce sera aux
quelque 330 futurs usagersde franchir
la dernièremarche vers le seuil
de l’énergie positive car, pour
l’heure, le compteur énergétique
indique une consommation théorique
de 20 kWh parmètre carré et
par an. « Un bâtiment à énergie
positive n’est pas une centrale thermique,
mais ça va dans le
bon sens », conclut Jean-Marie
Charpentier.
CHANTAL HOUZELLE
Commentmettre le compteur électrique à zéro
Pour construire cette tour à énergie
positive au même coût qu’un
bâtiment classique, Elithis a tiré
profit de tous les paramètres possibles.
Première étape, il a fallu
optimiser l’architecture pour intégrer
cet ouvrage dans son environnement
climatique et urbain, sur
une toute petite parcelle
(690 mètres carrés). Le résultat
donneunbâtiment ultracompact à
laformeovoïde, etnoncylindrique
comme imaginé à l’origine, qui
répond aux exigences de vent dominant
venantdunordet s’engouffrant
entre les constructions imposantes
à proximité.Coté plein sud,
la façade est habillée d’un bouclier
thermique quiménage en transparence
une vue dégagée et dont
l’asymétrie est calquée sur la
coursedusoleil.«Al’est,ildémarre
plus tard que sa prédominance à
l’ouest,caronconsidèrequelesoleil
du matin est moins inconfortable
visuellement et plus bénéfique pour
l’humeur des occupants », souligne
Thierry Bièvre, directeur général
d’Elithis. « Ce bouclier solaire qui
symbolise aussi notre lutte contre
les effets du réchauffement climatique,
l’architecteJean-MarieCharpentier
a su le matérialiser en harmonisant
l’esthétisme et la
fonctionnalité », ajoute-t-il.
Une ventilation naturelle
Au-delà des économies d’éclairage
artificiel, le rayonnement solaire
est aussi exploité comme une
sourcedechaleur gratuite.Grâceà
un système hybride de ventilation
naturelle à triple flux, inventé et
breveté par les ingénieurs de la
société, qui permet d’éviter la climatisation
à 95% du temps. Ce
système à régulation mécanique
est capable de lutter contre les
hausses de température jusqu’à
27oC.En casde canicule intervient
un système adiabatique d’appoint.
Pour limiter les besoins en chauffage,
et donc la taille de la chaufferie
à énergie renouvelable, qui est
équivalente à celle d’un« grospavillon
de banlieue » et ne
consomme que 8 mètres cubes de
granulés de bois par an, l’étanchéitédesparoisdecebâtimentest
quasiimperméableàl’air.Lastructure
de la tour se compose de
poteaux et de poutres mixant le
béton et l’acier, avec une prédominance
de bois traité en façade. Les
parties pleines sont constituées de
panneaux isolants à base de ouate
de cellulose avec un parement en
tôle d’aluminiumà l’extérieur.Les
parties vitrées, qui couvrent 75%
de la surface d’exposition, sont
composées d’un double vitrage argon
à isolation thermique
renforcé, avec un faible facteur
solaire.
Pour alimenter la quasi-totalité de
sa consommation d’électricité, cet
immeuble intègre dans sa toiture
plate quelque 550mètres carrés de
panneaux photovoltaïques qui
produisent 82.000 kWh par an.
Naturellement, ces nouveaux locaux
sont uniquement équipés de
luminaires à basse consommation
d’énergie (tubes fluorescents,
lampes LED…). Tous les postes
de travail sont connectés à un réseau
d’éclairage nomade pour que
chacun puisse réguler sa consommation
électrique en fonction de
son activité. Pour suivre pas à pas
les performances énergétiques, un
totem installé au pied de l’immeuble
affichera les mesures
prises dans cette tour expérimentale
truffée de 1.600 capteurs.
C. H.
La tour en chiffres clefs
x1re pierre : 14 décembre 2007
xLivraison totale : 31 mars 2009
xBudget global :
7millions d’euros
xDurée des études de R&D:
6mois
xAide publique : 297.500 euros
(panneaux photovoltaïques et
système de contrôle de la
performance énergétique)
xHauteur : 33,50 mètres
(10 étages dont un niveau
technique)
xSuperficie totale : 5.000 mètres
carrés de bureaux en open space et
un restaurant au rez-de-chaussée
xBâtiment à énergie positive :
produit plus d’énergie qu’il n’en
consomme. Le seuil se situe
à 0 kWh parmètre carré et par an.
Inaugurée à Dijon le 2 avril
prochain, la tour Elithis est
une expérience inédite en
France en matière de
bâtiment tertiaire à énergie
positive. Quelque
1.600 capteurs
contrôleront en temps réel
ses performances
énergétiques auxquelles
les futurs occupants seront
invités à apporter
leur pierre.
DR
Coté plein sud, la façade est habillée d’un bouclier thermique qui ménage en transparence une vue dégagée et dont l’asymétrie est calquée sur la course du soleil.
lundi 2 mars 2009
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